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Le crépuscule des vicieux

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arbre1.jpgNous avons tous un cercle, plus ou moins élargi d’amis, de copains, de relations, représentant le ciment de ce qu’on appelle la vie en société. Cela englobe une nébuleuse de valeurs sur laquelle chacun colle une lecture personnelle. Consciemment ou inconsciemment, chacun ajoute une nuance politique, selon que l’on se trouve du « bon » ou du « mauvais » côté du rivage.

Dans le crash boursier qui occupe les pensées au quotidien et l’amphigouri qui en découle, les amis, les copains, les relations…, la société laisse filtrer sous le vernis le solvant d’une décadence annoncée, mais jamais vraiment contrôlée.

Le flux nerveux des traders courant (bas de laine au dos) en direction du divan chez les psy, commentant le film « Le jour d’après », laisse le quidam désemparé et la classe politique (accusée avec raison d’abus de confiance et de complicité), totalement accablée. La rue ne réfléchit plus, elle court ! Nul n’étant aujourd’hui en mesure de dire vers où elle se dirige, l’angoisse jongle avec une astronomie improbable. Pour preuve, ce plan de 360 milliards d’euros sorti de nulle part par l’omnipotent en guise de bienvenue chez les gogos peut certes conforter les plus bêtes mais ne rassure pas les plus malins. Tout à l’heure, monsieur Xavier Bertrand viendra nous expliquer, sourire gencivé, pourquoi l’été dernier la France ne pouvait plus supporter la moindre revendication, hein, monsieur Fillon !

Au moment où chacun presse le boulon frontal de la navigation à vue qui se dessine devant la faillite planétaire d’un mode de pensée et d’une philosophie de la vie basée sur l’égoïsme, la débine, les combines et autres concepts corruptifs, l’être humain, l’ami, le copain, la relation, occupe son temps à se rassurer comme un animal apeuré par le feu de forêt.

arbre2.jpgParmi mes copains, il y a Ferdinand Koué, alias le Botaniste. Un génie de la solitude et des jardins d’agrément. L’apôtre du Roundup (le « désherbant intelligent ») (?), des vivaces et de la bulbeuse. Arboriste émérite, il a de la taille non pas la conception intégriste du néophyte, mais la science exacte de l’observateur amoureusement attentif. « Un arbre est comme un enfant, tu le dresses ! », dit-il quand tu fais une observation de novice.

Quand il parle d’un arbre, la sève sculpte une larme sur la branche condamnée.

Ferdinand Koué est un timide. Un compulsif. Pour un oui, pour un non, il part en live. Il soliloque. Dans une soirée où les invités dépassent un nombre déraisonnable, son trouillomètre le pousse à biner un coin de table avec la fourchette sans piper mot. Pourquoi ? Je l’ignore, même si j’en devine la raison…

Timide, abrupt, brutal, il n’est heureux que lorsque la mesure binaire est en accord avec l’idée qu’il se fait de la marche à suivre : la bonne éducation. Élevé dans la crainte d’un intempestif besoin, sa formation intellectuelle s’est greffée dessus. Tout comme l’haliotide, ne trouvant refuge qu’à la base du granit, il n’est découvert qu’à marée basse. De temps à autre, il évoque Camus.

Pourquoi ?

Ses parents ayant jardiné leur vie durant dans les soubassements d’un état UDR, il a jardiné la sienne dans leur sillage, par éducation d’abord, par conviction plus tard. Ses parents ayant épargné, tubercule après tubercule, il a tuberculé sa vie comme un damné, creusant, extrayant, arrachant… Épargnant et rapiéçant jusqu’aux derniers restes de ses chaussettes. Ses parents ayant politiqué et boursicoté, il a labouré, prolongé et boursicoté sa vie comme un trader craintif, fort de quelques principes inoculés à l’ombre d’une terreur qu’il croit toujours maîtrisée.

Faisant confiance aux banques et aux politiques, grâce auxquels il a tenu place, c’est sur cette conjugaison que repose l’avenir de son compte et sa conviction profonde.

Avec Ferdinand Koué, pas question de dire « jouer en bourse ». Il en est courroucé ! Non, avec lui, on ne joue pas avec les mots. Avec lui, on prend « position » ! C’est tellement plus subtil ! Quand il parle de position en bourse, on imagine facilement ce que cela donne dans un amphithéâtre, tout jeunot, tout drôle, esgourdes déployées, écoutant un prof allumé vous contant l’histoire d’une bataille napoléonienne…

Combien de morts ?… N’osez point la question, sinon vous l’êtes !

Ce matin -nous habitons à deux pas l’un de chez l’autre- , Ferdinand est venu me rendre visite. Sa nuit a été courte. Pourquoi ?…

Je sortais d’un cauchemar où il était question de murs qu’on rehaussait dans les prisons et de gamins de 16 ans qui se suicidaient derrière les barreaux, sans savoir ce que le mot amour peut bien signifier. Un mot dont ils ne découvriront jamais le secret et dont Rachida porte déjà le poids. Il traînait dans ma tête comme un matrucage sondagier que même dieu ne révère plus un dimanche de bonne heure.

Il était cinq heures du matin et Ferdinand entrait dans dans son petit cauchemar : il avait rendez-vous tout à l’heure avec le DRH de sa boîte, qui envisageait la délocalisation de sa vie. Cela tombait bien, ma machine à café ronronnait.

Nous l’avons partagé. Chacun dans sa sphère.

Son portefeuille ? Ses positons ? Par politesse j’osai la question. Homme de peu à la morale intacte, je suis encore capable de délicatesse.

«  Pas de problème, dit-il, j’ai de quoi voir venir. Surtout ne vends pas ! »

Pour finir, je lui ai offert une clope !

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