D.A.T.I. Quatre lettres pour un jeu de maux. Avec ça, on ne gagnera jamais au scrabble mais on peut devenir championne d’échecs. C’est ce qu’a réussi au delà de toute espérance, la nouvelle égérie de chez Dior, notre pétulante garde des sceaux. A l’aube d’un prochain remaniement ministériel où elle devrait logiquement céder sa place, son bilan personnel restera assurément dans les annales de la place Vendôme. Déclarations à l’emporte pièce. Bourdes à répétition. Dépenses somptuaires. Démission en chaîne des conseillers de son cabinet. Incohérence de sa politique pénale. Hostilité manifeste à son égard de la quasi-totalité de la magistrature. Impressionnant. En moins de deux ans, la dame aux dents longues n’aura pas fait dans la demi-mesure…
Tout avait pourtant bien commencé. En 1965, la petite Rachida avait vu le jour à St-Rémy, charmante commune bourguignonne. Dix frères et sœurs, début de scolarité chez les Carmélites, enfance paisible au sein d’un milieu modeste issu de l’immigration. « J’ai été une petite fille qui ouvrait des grands yeux sur le monde, qui trouvait que l’enfance n’allait pas assez vite, qui voulait comprendre, rencontrer des gens. Gamine, j’avais l’impression d’un temps qui s’écoulait au ralenti… Je n’étais pas malheureuse. J’aimais mes parents, ma famille. Mais, mon Dieu, que l’enfance était longue ! J’avais soif du monde, sans y mettre quelque chose de précis», confiera-t-elle plus tard à l’incontournable Claude Askolovitch. Force est de constater qu’elle a depuis passé la surmultipliée. Vitesse ou précipitation ?
En attendant son heure de gloire, l’ambitieuse jeune femme entre en 1987 comme chargée d’études chez Elf grâce à son PDG de l’époque et futur garde des sceaux, Albin Chalandon. Elle l’avait connu à 21 ans lors d’un cocktail à l’ambassade d’Algérie auquel elle s’était invitée au culot. Ce jour-là, elle avait vaille que vaille décidé d’aborder l’homme influent. « Je lui ai parlé comme si ma vie en dépendait.» avouera-t-elle ensuite. Dans toute carrière qui se respecte, les rencontres opportunes, ça aide à gagner du temps. L’époux de l’éditorialiste Catherine Nay devenait ainsi le premier maillon de la chaîne de relations utiles à la dame pressée. En 1990, elle croisera Jean-Luc Lagardère lors d’une remise de prix et deviendra auditrice chez Matra. Puis elle rejoindra Jacques Attali à la BERD. Avec de tels mentors, son irrésistible ascension était désormais inéluctable…
En passant et sans conviction, elle se marie en 1992 .« Avec un homme avec lequel je n’avais rien à partager » selon ses propres termes. Elle fera annuler la chose trois ans plus tard. « Il était en trop. Je me suis dit non, ça ne va pas. Il va me restreindre. Il va me freiner. » Toujours cette quête obsessionnelle de la vitesse. Sur les conseils de Simone Weil, rencontrée grâce à Chalandon, elle entre en magistrature. Sans avoir besoin de passer le concours de l’Ecole Nationale de Magistrature. Toujours grâce à Chalandon qui la parraine. Devenue substitut du procureur, elle frappera plus tard à la porte de Nicolas Sarkozy, alors maire de Neuilly et s’imposera à lui comme une évidence. Conseillère place Beauveau puis porte parole pour l’élection présidentielle, elle se dévouera totalement à la cause de son idole. Elle dira :« Etre avec Nicolas Sarkozy, ce n’est pas simplement un engagement à droite : c’est le choix d’un homme».
Un trajectoire parfaite, un itinéraire sans fausse-route qui la conduisent en 2007 quasi naturellement à la plus haute marche du ministère de la Justice. Et c’est là que les choses se corsent. Enfin pas tout à fait d’entrée. Les affaires avaient même plutôt bien commencé. Place Vendôme, elle mène grand train jusqu’à faire exploser son budget réception. Copine de Cécilia, chouchou du président, elle applique à la lettre la mission que lui a confiée Sarkozy. Elle est sa muse politique, son double féminin. Comme chez lui, l’urgence tient lieu de méthode. Elle réforme à la hussarde la carte judiciaire des tribunaux et en supprime un bon paquet. Ça commence à grogner dans les rangs des magistrats mais qu’importe, la belle arriviste est invitée, suprême consécration, à passer ses vacances aux States avec le couple Sarkozy. Pour un peu, elle aurait même pu remplacer Cécilia, victime d’une angine blanche, et accompagner Nico lors de la visite privée chez les Bush…
Bon, entre temps, à peine deux mois après son intronisation place Vendôme, les premières démissions de ses conseillers commencent à tomber. Son propre directeur de cabinet puis trois autres conseillers, son chef de cabinet puis deux autres encore. A ce jour, on dénombre plus d’une quinzaine de départs volontaires dans l’entourage de la coquette. Son second directeur de cabinet, démissionnaire également est devenu depuis Recteur de Paris. Il paraît selon Darcos via le Canard, qu’il serait « à genoux, complètement explosé». Pas facile de bosser avec mademoiselle, elle cause pas, elle flingue ! Faudrait penser à faire livrer une palette de Temesta à ses futurs sbires…
Sur le terrain, elle impose une politique liberticide. Tel un bon petit soldat, elle remplit les prisons respectant les consignes répressives venues d’en haut. Les résultats ne se font pas attendre. Pénurie de personnels, surpopulation carcérale et suicides en série. Magistrats et gardiens de prison ne sont pas loin de l’overdose. D’autant qu’elle met en cause des magistrats chargés de l’incarcération d’un mineur qui s’est suicidé à la prison de Metz. Le «caractère dramatique du suicide d’un mineur en prison» ne peut toutefois «justifier la mise en cause précipitée des acteurs de l’institution judiciaire (…) alors même que les éléments déjà portés à la connaissance du ministère de la justice permettaient de l’exclure» s’indigne même le Conseil National de la Magistrature.
Une fois de plus, il y a eu trop de précipitation dans la réaction de l’impétueuse Rachida… Comme dans l’affaire Vittorio de Filippis où elle justifie maladroitement la procédure humiliante. Comme quand elle déclare vouloir faire emprisonner les jeunes délinquants à partir de douze ans. Plus royaliste que le roi lui-même. A chaque fois désormais, lui et même Fillon n’hésitent pas à la désavouer publiquement. Car la donne a changé. Elle ne figure plus dans les petits papiers du chef. Pour un peu, à côté d’elle, on le prendrait pour un permissif.
Recherche absolue de l’ivresse des cimes, soif frénétique du pouvoir, désir inextinguible d’urgence, on songe parfois à Julien Sorel, le héros de Stendhal ou plus encore à Rastignac, celui de Balzac. Bien évidemment, on ne souhaitera pas à la future maman un tel destin tragique. En attendant, gageons qu’elle gagne un peu d’humanité dans ses nouvelles fonctions…
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