Je vous le dis tout net, je déteste toute forme de célébration. Ainsi, j’ai fait grève de commémoration pour la journée de la femme ce 8 mars. Entre faux-semblants, vraie-fausse complicité et hypocrisie, l’avalanche était trop importante pour que je me laisse bercer par un discours à la mords-toi-la-queue-si-tu-peux. Des journées faux-cul comme celle-là, merci bien !
Cela étant, je m’aperçois avec perplexité que depuis que je propose mes modestes chroniques aucun auteur féminin n’a eu droit à la moindre illustration dans cette rubrique. Cependant, ne voyez là aucun sentiment d’ostracisme de ma part. Pour tout dire, j’adore lire les écrivaines. Elles ont, tatoué sur les doigts, le secret d’un parfum envoutant.
Je laisserai de côté, évidemment, les Yourcenar, Beauvoir, Duras et autres Françoise Sagan… J’aime chez la femme son côté naturellement insolite. Son sens inné de la surprise et cette façon particulière qu’elle a de vous faire croire que vous avez du génie sans éprouver d’autre sentiment que celui de vous avoir aidé à vous surpasser, même si vous êtes passablement idiot.
L’ami qui m’avait fait parvenir l’exemplaire du livre du jour s’était donné la peine de me le dédicacer : « Même si on meurt bronzé, faut pas mourir idiot. » Il l’avait lu, aimé et éprouvé l’envie immédiate de le faire tourner dans le désert foisonnant de mon insularité.
En littérature, l’art de la nouvelle nécessite beaucoup, beaucoup de talent. Cela ne s’apprend ni ne s’improvise pas. La nouvelle c’est comme les grains de beauté, on naît avec ou pas. Combien d’amateurs s’y sont cassé les dents ? Cela n’est point le cas de Madame Annie Saumont. Si vous n’avez pas lu de cette dame le moindre livre, il n’est pas trop tard pour se laisser aller à la découverte d’un esprit d’une rare et belle subtilité.
Parmi la quinzaine de nouvelles (toutes excellentes) du recueil « Le lait est un liquide blanc », Iéna est un tout immarcescible : une bataille napoléonienne, le nom d’une station du métro parisien et une rupture amoureuse. Un peu plus de trois petites pages pour un voyage d’une géniale simplicité.
Elle dit quoi, Annie Saumont ? Beaucoup de choses. C’est qu’elle a un sacré volume de jeu, la dame, pour employer une expression très tendance chez les commentateurs sportifs. Voici ce qu’elle écrit. Ne vous fiez pas à la ponctuation, c’est la sienne et c’est très bien ainsi : « les déchirés les transpercés les fracassés les éclatés. Maudits, écrasés, mutilés, rompus, éviscérés. A Iéna. Ceux qui n’ont pas su échapper à la conscription, qu’on a débusqués hors de leurs cachettes, ceux qui se sont vendus pour une maigre solde. Ceux qui ont revêtu l’uniforme par simple désir de gloire. Par jeu. Par bravade. Fiers de servir un homme qui se prend pour un dieu. Ceux qui ont accusé le Destin quand déjà les balles leur traversaient le torse, quand la baïonnette leur ouvrait le ventre, quand un boulet leur arrachait les couilles. »
Pour son talent, pour sa finesse et pour sa force ce livre de nouvelles, plein de bonnes nouvelles, est une bonne manière de célébrer la femme toute l’année.
Article relayé par
joaqin
15 mars, 2009 à 5:23
alors: la journée de la femme: ce jour là, et uniquement ce jour là je suppose, on doit par loi aimer la femme; les autres tu fait comm’ dab’ tu lui fout sur la gueule et tchador pour pas qu’ça’s'voit… tu retourne au ricard et t’attends la soupe vu que ta bossé un max aujourd’ »huis. puis la journée de l’enfance où ce jour là tu te souviens que tu as un gosse ou plus; puis la journée de la paix, ce jour là t’as un problème, c’est comme le quipour c’est le quipourquipourquoi? puis la journée de la musique ce jour là t’as le droit d’enfer? je t’emmerde toi qui veux chronomètrer ma vie, suis trop vieux pour accepter vos conneries.
heu pardon le diazec mais je vais lire ton article demain…
b.mode
15 mars, 2009 à 7:35
Toujours cette prose enlevée qui donne envie et cet art de dénicher des auteurs qui me sont parfaitement inconnus…
clarky
15 mars, 2009 à 10:52
je reconnais bien là notre pêcheur, je ne sais pas s’il prend souvent la mouche mais de ses lignes jaillissent de bien beaux salmonidés.
toi le méditerranéen devenu homme de l’atlantique, te lire un dimanche matin repose quelque peu d’une nuit à giter…
ton grenier doit tanguer comme ce bateau livre descendant des fleuves impassibles, d’où émergent des récifs teintés d’encre, de chine ou d’ailleurs qu’importe finalement, tant ton univers singulier invite à l’échouage.
b.mode
15 mars, 2009 à 14:18
Contribution erby ajoutée !!!
b.mode
17 mars, 2009 à 20:37
Repris sur agoravox !
lediazec
17 mars, 2009 à 21:40
J’ai vue, cher Bernard. Je suis actuellement en « conférence » avec gonzague concernant ma condescence supposée à l’égard de la femme.
Si seulement il savait !
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lediazec
17 mars, 2009 à 21:42
Condescendance irait beaucoup mieux, non ?
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b.mode
18 mars, 2009 à 1:09
Oui vieux macho !!! je blague !
Rémi Begouen
22 août, 2009 à 11:00
‘Même si on meurt bronzé, faut pas mourir idiot’ : il est possiblement posible, sans plus ni moins, que ce soit moi qui ait mis ça en exergue du recueil d’Annie Saumont ‘le lait est un liquide blanc’ qu’il est possiblement posible (etc.) que ce soit moi qu’il te l’ai offert. Ou même si c’est un autre, etc.
En tout cas, la citation que tu fais d’Annie (‘Iéna’) est top!
Mais tu as encore quelque effort à faire pour découvrir les Marguerite (Yourcenar et Duras) qu’il m’est arrivé, à tort, de dénigrer. Et puis y a Antonine Maillet : Pélagie-la-Charette !!(réed.les Cahiers Rouges, Grasset). Alors là, chapeau la Quebecquoise, quoi!!! Rémi
lediazec
22 août, 2009 à 11:17
Exact Remi (sans y grecque). La citation t’appartiens. Pour la rigueur et l’authenticité de l’info, je cite la dédicace en entier, jouvre les guillemets : « Même si on meurt bronzé faut pas mourir idiot (haute pensée d’un lecteur d’Annie Saumont, sur une plage caniculaire de St Nazaire, été 2005. »
Pour Yourcenar et Duras, oui, j’y songe. De la dernière, j’ai en tête « L’après-midi de monsieur Andesmas », un magnifique petit roman où la vie s’écrit avec pas mal de points de suspension.
Mais ça sera pour plus tard. Pour l’instant je finis ma prochaine chronique.
Voilu.
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