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Pauvres pêcheurs de cabillaud

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Recherche du profit contre sauvegarde des espèces, comment ménager le pêcheur et le cabillaud ?
Au moment où « la maison brûle » comme le disait Jacques Chirac, nos dirigeants se paient de paroles pour la sauvegarde de la planète et de ses espèces animales, qu’elles soient terrestres ou aquatiques, et les maigres avancées réalisées, les timides initiatives européennes sont aussitôt battues en brèche par les intérêts catégoriels et les lobbies qui ne pensent le monde qu’en termes de rentabilité et de profit.

On le voit encore en France ces jours-ci avec les manifestations de pêcheurs qui réclament cette année l’augmentation des quotas de pêche du cabillaud (déjà augmentés de 30% par rapport à ce qui avait été prévu au niveau européen!). Au mépris le plus total de la pérennité des ressources aquacoles, les pêcheurs professionnels massacrent les fonds marins, chalutent sur les zones de frai des poissons au moment de la reproduction – ce qui est la meilleure façon de les exterminer au plus vite – et n’hésitent pas à rejeter à la mer des tonnes de poissons à peine pêchés, simplement pour ne pas faire descendre encore des prix jugés trop bas. On a déjà oublié les filets dérivants au large des Açores – heureusement interdits depuis – qui tuaient indistinctement thons, espadons, mais aussi dauphins et marsouins qui avaient le malheur de s’y prendre. Quelques marins gastronomes trouvaient le moyen de cacher à fond de cale frigorifique quelques filets de marsouin et les ramenaient jusqu’à Saint-Gilles Croix De Vie pour faire goûter à leurs proches – dans la plus grande discrétion – cette viande rouge et juteuse. On a vu encore il y a quelques semaines le scandale des tonnes de merlus et de coquilles Saint-Jacques détruites, actualité qui se télescopait avec celle des restaus du coeur au moment où leurs responsables se demandaient s’ils pourraient faire face à la demande de nourriture l’année prochaine tellement il y a de pauvres dans ce pays.

Quand on parle avec des trémolos dans la voix de l’activité artisanale de la pêche, des traditions et de tout le baratin qui va avec, il ne faut pas oublier que de nombreux patrons pêcheurs professionnels se sont lancés dans la pêche dans les années 70, parce que c’était à l’époque un travail dur mais très rentable, sans avoir une quelconque tradition familiale dans ce domaine, et avec comme seul objectif de gagner un maximum d’argent.

« La mer n’appartient pas aux patrons-pêcheurs »

Mais la mer n’appartient pas aux patrons pêcheurs, qu’on se le dise, pas plus que le ciel n’appartient aux compagnies aériennes. La nature est la propriété de la communauté humaine dans son ensemble, et il est donc de notre devoir de veiller à ce qu’elle ne soit pas accaparée au profit de quelques-uns et anéantie, comme les bisons d’Amérique. Il est d’ailleurs tout aussi inadmissible que soient achetés des droits de pêche à des pays du sud comme la Mauritanie ou le Sénégal, privant là encore des populations des ressources de leurs eaux au profit de quelques dirigeants corrompus et des multinationales des pays riches. Il est temps de changer la société qui produit ces comportements aussi irresponsables qu’inadmissibles.

« Une filière opaque et des intermédiaires gourmands »
Mais on peut comprendre également les problèmes des pêcheurs d’aujourd’hui. Comme nombre d’agriculteurs, ils se retrouvent dans la seringue, coincés entre des prix à la vente qui baissent et des charges qui augmentent, ne survivant pour beaucoup que grâce à l’endettement. Si les pêcheurs pouvaient vendre leur poisson plus cher, ils pourraient vivre dignement tout en diminuant la pression de pêche, ce qui permettrait de préserver les espèces et de ne sélectionner que les plus beaux poissons. Tout le monde serait content. Mais, me direz-vous, cela supposerait que l’on paie le poisson plus cher alors qu’il est déjà hors de prix. Pas forcément… Une chaîne d’intermédiaires opaque fait que le prix du poisson est multiplié par 2, 3 ou plus, entre la criée et l’étal du poissonnier. Exemple extrême, un pêcheur témoignait récemment que le merlu était alors vendu 1,10€ à la criée pour arriver à 6,50€ chez le poissonnier. Une culbute impressionnante pour simplement déplacer le poisson d’un endroit à un autre ! Il serait donc temps de faire le ménage dans cette filière, et de la réorganiser de façon à supprimer les intermédiaires trop gourmands et encadrer les profits de la grande distribution. Un coefficient maximum  de multiplication entre le prix à la criée et le prix en magasin par exemple serait une bonne idée.
Car les solutions proposées par l’état (donner des subventions) reviennent à nous faire payer deux fois le prix du poisson : une fois à la caisse et une fois par nos impôts, et à nourrir une catégorie d’intermédiaires qui se contentent de se servir au passage en profitant d’une rente de situation. Voilà une bonne idée de réforme !

Pour diminuer la pression de pêche sur les espèces les plus menacées, il faudrait enfin mieux faire connaître toutes les variétés de poissons et les mille façons délicieuses de les préparer. Bizarrement, la France n’est pas un pays tourné vers la mer, et seules quelques espèces phares sont bien connues : bar, sole, saumon, turbot, lotte, les espèces « nobles », qui sont évidemment les plus chères. Faire des économies en mangeant des poissons tout aussi bons mais peu connus et en découvrant de nouvelles façons de les préparer est donc de l’intérêt de tous. A vos fourneaux !

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8 Commentaires

  1. Gaël

    16 avril, 2009 à 22:18

    ah non hein, déjà qu’ils ont réussi à nous faire bouffer des bulots (grosses choses grasses et caoutchouteuses)

    autrement c’est vrai qu’il y a plein de poissons trop méconnus en cuisine

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  2. peuples

    16 avril, 2009 à 23:06

    c’est très bon les bulots. C’est temps, j’achète du Bar de ligne à 13 € le KG. miam miam

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  3. b.mode

    17 avril, 2009 à 7:51

    Pour les bulots, tout dépend de la cuisson. J’en ai mangé une seule fois de l’excellent. Cuisinée avec amour par une experte !

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  4. lediazec

    17 avril, 2009 à 10:52

    Moi aussi, j’adore les bulots, ma doué !
    Très bel article, le minot. Sacré touché que t’as, garçon !

    Dernière publication sur Kreizarmor : Place Vendôme, haut lieu de l'indécence

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  5. clarky

    19 avril, 2009 à 11:15

    metro, bulots, dodo.

    je confirme pour la cuisson, terriblement importante sinon c’est pire qu’un chewing gum en bouche.

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  6. minotor

    19 avril, 2009 à 17:00

    ok la prochaine fois je fais un article sur la crise du bulot et son insoutenable corollaire : mayonnaise ou pas ?

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  7. Alius

    25 avril, 2009 à 10:22

    Pour le bulot, la mayo s’impose. En revanche, un bon bigorneau se déguste dans son jus…

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  8. clarky

    25 avril, 2009 à 11:20

    aïoli pour ma part, d’ailleurs quand y’a des bulots sur la table, l’anchoïoade n’est jamais très loin avec légumes à volonté comme chez flunch, sauf que ces légumes là je sais d’où ils proviennent !

    punaise, d’un seul coup j’ai des envies de moules avec du citron.

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