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Le puits/les adieux – Juan Carlos Onetti

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Si vous voyez non pas dans votre sommeil mais dans la réalité de sa lecture un oeil rouge, une lune verte, le temps qui bouge, des lampadaires offusqués, une rime injuste et que vous éprouvez un tas de sensations mettant à mal vos idées cartésiennes ou votre équilibre mental, bien que l’essence même du terme cartésien demande révision de l’avis de certains spécialistes, ne vous pincez pas, vous êtes bel et bien éveillé, mais vous naviguez dans une dimension que vous abordez peut-être pour la première fois. C’est un tantinet déstabilisant, je vous l’accorde, mais parfaitement excitant, je parle de littérature latino-américaine et de Juan Carlos Onetti en particulier. Cela relève de la métaphore, évidemment !

En relisant cet auteur, né en 1909 en Uruguay et mort à Madrid en 1994, les tambours de l’illusion frappent à ma porte, accrochent des lampions au fil de la mémoire, pendant qu’un bout de filtre épuise sous la fumée les dernières particules d’un tabac poétiquement inspirant. Rien n’est pourtant compliqué dans les romans de Juan Carlos Onetti, mais la façon qu’il a de jouer avec les mots vous donne l’impression bizarre de les lire dans le reflet d’un miroir. Quand on lit un livre de Juan Carlos Onetti, il faut commencer par nettoyer l’esprit des impuretés de l’habitude. Si vous cherchez une assise architecturale pour votre confort et votre sécurité, passez votre chemin. Si vous observez l’auteur en quête d’une enveloppe pour donner consistance et forme aux personnages de ces histoires, allez chercher dans un catalogue de mode de quoi nourrir votre curiosité. Rien n’est jamais rectiligne sur les routes tracées par monsieur Onetti, une seule chose demeure : de sa confusion broussailleuse naît une sorte de limpidité que l’esprit accueille avec bonheur après digestion.

Histoire de se rendre intéressants, certains audacieux disent qu’il vit dans un « monde mensonger ». Tout ça parce que nul ne peut coller une forme précise aux personnages et que dans son désespoir le critique s’accroche aux premières « bizarreries » venues comme on attrape la branche salvatrice au bout de la chute.

« Vivre ici, c’est comme si le temps ne passait pas, comme s’il passait sans pouvoir me toucher, comme s’il me touchait sans me changer ». Le bistrotier qui lance ce constat dévastateur, témoin et narrateur de sa propre limite, devient sa propre victime. Il est l’acte de procuration d’une vie qui ne vit que par l’aliment que lui procure celle d’autrui. La lumière des sociétés confinées ignore les barrières de la langue, comme si faits et gestes faisaient partie de l’arcature d’une porte ouvrant sur le mystère de sa propre découverte.

Pour finir, certains ont comparé Juan Carlos Onetti à Borges, Joyce, Huxley, Faulkner… Cela devient très agaçant, ces comparaisons. Juan Carlos Onetti est un écrivain exceptionnellement unique, comme le sont Borges, Joyce, Huxley ou Roberto Arlt…

Voici donc pour le prix d’un, deux romans de Juan Carlos Onetti. Je parlerai de nouvelles plutôt que de romans. « Le puits »/Les adieux. Collection 10/18 avec deux très belles postfaces (1984) de monsieur Louis Jolicoeur.

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6 Commentaires

  1. b.mode

    8 mai, 2009 à 12:42

    Je vois avec plaisir que personne n’a touché à ton grenier, cher Rodo ! Il ne manquerait plus que ça !!! ;)

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  2. lediazec

    8 mai, 2009 à 12:47

    Pas question que quiconque mette ses sales pattes dans cette partie de moi-même sans mon autorisation !

    Dernière publication sur Kreizarmor : Place Vendôme, haut lieu de l'indécence

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  3. b.mode

    12 mai, 2009 à 17:51

    Juan Carlos sur agora ! respect !!! ;)

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  4. lediazec

    12 mai, 2009 à 17:55

    Merci Bernard ! Tiens, ça me rappelle quelque chose, ce « merci Bernard » !
    Longue vie à Juan Carlos !

    Dernière publication sur Kreizarmor : Place Vendôme, haut lieu de l'indécence

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  5. b.mode

    12 mai, 2009 à 20:11

    une belle émission ! l’anti-chambre de Palace ! ;)

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  6. clarky

    15 mai, 2009 à 0:50

    toujours aussi agréable à lire rodo.

    « les tambours de l’illusion frappent à ma porte, accrochent des lampions au fil de la mémoire, pendant qu’un bout de filtre épuise sous la fumée les dernières particules d’un tabac poétiquement inspirant. » rien que pour ça, merci breton !!!

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