Accueil Politique Monsieur Jadis – Antoine Blondin

Monsieur Jadis – Antoine Blondin

5
0
556

jadis.jpg

Que penser d’un homme qui vit dans quatre lieux différents selon que le vent pousse d’un côté ou de l’autre ? Qu’il s’agit de quelqu’un qui a de la ressource, de la chance, du nez, et un bon sens de l’orientation. Tant mieux ! On ne peut que le féliciter d’une telle aubaine. Que penser d’un homme dont la maman règle ses amendes ou son retour à la maison en autobus avec des timbres poste ou des bombons à la sortie du commissariat où il vient d’y passer la nuit ? Que la dame a le sens du troc et des affaires. Qu’elle s’occupe bien de son petit malgré son âge mûr. Qu’elle peut se déplacer avec peu de bagages et que l’époque qu’elle traverse est riche d’un art de vivre qu’on peut aujourd’hui regretter. C’était l’époque, dit l’auteur, où les gendarmes parlaient encore aux détenus.

Que penser d’une maman qui couche avec son accordéon ?… Qui dort avec, nuance ! Qu’elle connaît la musique et que vouloir lui chanter Ramona ne serait pas la meilleure des entrées en matière pour être dans ses bonnes grâces.

Que penser d’un monsieur qui vit comme un manant et qui se comporte comme un aristocrate ? Faut-il en déduire que « les anarchistes sont les aristocrates de la classe ouvrière », comme l’écrivait joliment Alexander Berkman, anarchiste suédois ? Que derrière chaque murge trône l’idée d’un képi qu’on envoie valdinguer ? Que le monde si complexe et si cruel soit-il est encore et toujours beau à regarder ?

Monsieur Jadis a l’embarras du choix : une femme et deux enfants, qu’il croise de temps en temps. Une maîtresse qui dort avec son mari et qui et qui et qui… fait ce qu’elle doit quand elle estime le devoir faire. Des fréquentations à la palette vive en couleurs que monsieur Jadis ne compte plus et que sais-je encore… Un exemple ? Je préfère vous laisser découvrir Popo, alias Florence d’Arabie. Une devanture propre à mettre le feu sous la banquise, un décolleté à refroidir le nombril et l’art consommé de la commande au Bar-bac à l’heure du croissant et du café crème. A la question de Madame Jadis mère, que souhaitez-vous prendre, la Florence réponds sans hésiter : « Un croissant, chère madame. Avec un grand pastis. Mais surtout : pas d’eau dedans, s’il vous plaît. » Classe, non ? Sans se démonter, la vieille, feignant la découverte d’un nouveau cocktail : « Tiens, il faudra que j’essaie. » Je vous l’ai dit : on ne chante pas Ramona à la maman de monsieur Jadis, ni à la môme Popo non plus, même si cela lui fait passer parfois des mauvais quarts d’heure.

Antoine Blondin, écrivain, chroniqueur, romancier, aimant aussi bien Rimbaud, Fitzgerald, Baudelaire, Albert Londres… que le rugby, le cyclisme et l’alcool, faisait son métier avec beaucoup de sérieux. Il ne se branlait pas le cortex avec des angoisses sur la gloire et la postérité. Il vivait sa vie à la façon dont on prend une cuite, avec plaisir et détachement. Il avait fait de celle-ci une fable et de ses fuites la perspective d’un paysage pictural.

Que penser d’un homme sans étiquette à qui on en colle un tas ? Que du bien, pardi ! Vivre à découvert en préservant le secret de ses intimes convictions n’est pas aisé pour celui qui se nourrit grâce sa notoriété et dont chacun dans son entourage proche ou éloigné a une rumeur à colporter, un témoignage à apporter. Vivre sa vie en laissant aux autres le soin de l’imaginer à sa place est très jouissif pour un créateur de cette trempe. Grâce à l’abondance et à la disparité de son oeuvre, Blondin n’aura écrit en tout et pour tout qu’un seul ouvrage, celui de l’amitié et de la fraternité en martelant toujours la même phrase : « Je l’avais connu dans une salle de rédaction de la rue Réaumur, en un temps confus où l’expression n’avait guère plus de sens que salle d’eau ou salle de séjour. L’odeur de la forêt s’introduisit sur ses talons. …Il y avait du franciscain chez ce franc-maçon, du chouan chez ce communard. »

Au-delà de l’aspect factuel, Antoine Blondin est né ici, a vécu plus loin, s’est rendu a tel endroit, à écrit pour tel journal, tant de ses livres ont été adaptés au cinéma avec le succès que l’on sait, etc… Somme toute des renseignements que n’importe qui peut se procurer en cliquant sur internet, ou en franchissant le seuil d’une bonne librairie, je préfère m’attarder sur l’individu, sur la qualité de la gomme qu’il usait ou qu’il n’usait pas…

Allez, après ça, mettre une étiquette sur le dos d’un tel Seigneur, le veilleur attentif des nuits et illustrateur d’une faune dont chacun revendique sa part de bonheur.
A lire ? Évidemment !

Charger d'autres articles liés
Charger d'autres écrits par lediazec
Charger d'autres écrits dans Politique

Oops ! Une erreur est survenue.

L'accès au blog est momentanément impossible,
veuillez nous excuser et ré-essayer dans quelques instants.

Retour ou Écrivez-nous si le problème persiste.