J’aime le dimanche. La campagne est calme. Le coq chante au loin. Une brume légère s’enroule comme une écharpe autour des clochers. Les cloches sonnent et le bruit des moteurs gagne en densité. Au port les bateaux dandinent au pied des corps-morts, tandis que quelques goélands jettent des cris impatients à l’heure du café et du tiercé. On parle canasson et on parle foot. La politique est loin des préoccupations du moment et les gens semblent vivre comme dans un rêve. J’aime cette ambiance conte de campagne.
De retour à la maison, tranquille, je fais mon petit tour d’horizon des nouvelles que je n’ai pas lu et que j’ai rangé dans un coin pour y jeter un oeil. Je déroule au petit bonheur la chance. J’aime ce qui sort du cadre.
Une bonne nouvelle. Les députés ont le droit de surfer sur le net quand ils siègent dans l’hémicycle. Après le droit de dormir et l’absentéisme, l’Assemblée gagne de haute lutte le droit de surfer. C’est fun la vie d’un député. Allez les djeuns ! Les banlieues vous soutiennent. Victoire sur le conservatisme ambiant. Hasard ou pas, l’autorisation de surfer sur le net intervient le lendemain de l’adoption de la loi Hadopi 2.
Qu’on se le dise, cela ne s’est pas fait sans peine. Imaginez la logistique : appel d’offre, étude des dossiers, discussions, acceptation du meilleur devis, la république ne doit pas jeter l’argent du contribuable par les fenêtres, tout ça c’est du boulot. L’administration ne chôme pas pour donner aux représentants du peuple les armes de la modernité. L’outil dont ils ont besoin pour faire battre en retraite le monde obscur du conservatisme et de l’exploitation.
Pendant que nous tentions de faire dorer une pilule couleur aspirine sur des plages bondées, des gens travaillaient au bien-être des élus du peuple. Des travaux ont ainsi été réalisés pendant l’été pour flanquer des prises électriques partout où besoin était, plus une connexion par câble au réseau informatique. Seul petit problème demeurant dans l’enceinte de la république : le portable de nos représentants restera brouillé, sauf pour une courte durée afin de réceptionner et expédier des textos.
Ce qui en revanche fait grincer les gonds de la république c’est la décision de faire taxer les indemnités journalières versées aux salariés en cas d’accident du travail. Annoncée au Touquet par le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé, la nouvelle n’a pas laissé de marbre ceux qui n’ont pas, comme monsieur Copé, les moyens de leurs indemnités. Vive la fiscalisation à outrance semble se réjouir l’Omnipotent depuis outre-Atlantique où il se trouve pour faire quelques déclarations de politique intérieure, faisant croire à l’opinion qu’il s’occupe de politique étrangère.
On voit que monsieur Copé ne connaît pas des fin de mois difficiles et ignore tout du prix de la baguette. Outre la démesure de son ambition, monsieur Copé ignore tout des réalités du pays et du peuple en particulier.
Monsieur Copé est trop prosterné devant le libéralisme pour s’apercevoir de quoi que ce soit concernant le peuple d’en bas. Il sait qu’un bon gouvernement est un gouvernement qui empêche son peuple de penser. En le privant de travail, réduisant son pouvoir d’achat ou lui sucrant ses avantages, le gouvernement réussit là sa vraie mission : étouffer la démocratie dans son élan social. On ne conteste plus les conditions de travail, on est heureux d’avoir un job. Pour le défendre, n’importe quel sacrifice est bon, y compris celui de tirer dans les rangs de sa propre classe sociale.
Préoccupé par son seul avenir personnel, monsieur Copé s’est fait remettre à sa place par monsieur Accoyer d’abord, président de l’assemblée nationale, qui a déclaré « sa désapprobation », ajoutant comme pour enfoncer le clou son souhait d’aller « consulter le Conseil économique, social et environnemental sur cette proposition. » Je ne vous dis pas la tronche que tirait monsieur Copé entendant cela.
En conclusion de ces travaux où pour terminer tout le monde se tenait par la main, le silencieux monsieur Fillon est sorti de son mutisme routinier pour se démarquer de la vision de Monsieur Copé. Faisant allusion à on ne sait quelle idée personnelle sur « l’éthique de l’action publique », il a balancé : « Il n’y a pas le gouvernement d’un côté et la majorité parlementaire de l’autre. »
Copé et son tic du sourire figé, au premier rang de l’assemblée, s’est encore figé un peu plus en entendant ça.
Un gars que j’aime bien c’est Mathieu Kassovitz. Il a le courage de ses convictions. J’ai écouté ce qu’il a dit dans l’émission de Frédéric Taddei sur FR3. Une très bonne émission. Curieuse, culturelle, honnête et courageuse. Je ne sais pas si j’ai déjà dit ici tout le bien que j’en pense. Si tel n’est pas le cas, voilà qui est fait. Si tel est le cas, je le répète. D’accord ou pas d’accord avec le propos de Mathieu Kassovitz, je me sens beaucoup plus d’affinité avec lui que je n’en ai avec les nouveaux faiseurs de procès en sorcellerie qui poussent un peu partout dans les jardins de la pensée. Dans notre magnifique pays, la censure n’existe pas, il n’est question que d’autocensure !
J’exprime ici ma sympathie à monsieur Kassovitz.
Comme l’écrivait Gustave Le Bon : « on domine plus facilement les peuples en excitant leurs passions qu’en s’occupant de leurs intérêts. »
C’était dimanche. A la semaine prochaine.
b.mode
27 septembre, 2009 à 19:48
Texte admirable mais bon, je suis pas impartial…
lediazec
27 septembre, 2009 à 20:08
Moi non plus, je ne suis pas impartial, j’adore l’illustration. Elle vient d’où ?
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Harakiri
27 septembre, 2009 à 20:36
Tu écris très bien, c’est un plaisir de te lire d’autant que le fond est à la hauteur de la forme. J’ai n’ai vu qu’un extrait de l’émission avec Kassovitz et, s’il est vrai que j’aimais beaucoup l’homme et le réalisateur, ma sympathie envers lui avait baissé quand il s’est fourvoyé dans le monde Hollywoodien, lui qui était tellement désireux de choquer le bourgeois à l’époque de son film « assassin(s) ». Cependant, le peu que j’ai vu rejoins un des articles de mon blog sur les attentats de 2001 où je trouve déplacé et malsain qu’on puisse traiter de tous les noms une personne qui ose se poser des questions plutôt que d’accepter la thèse officielle qui, il faut bien l’avouer, souffre de nombreuses lacunes.
Du coup Kassovitz est remonté dans mon estime (il l’avait déjà fait avec la production du film « johnny mad dog »).
Dans tous les cas on peut se demander où en est une soit disant démocratie quand on traîne dans la boue la personne qui ose réfléchir par lui-même et se poser des questions sans accepter de moutonner parmi les moutons. D’autant qu’il me semble avoir compris que Kassovitz ne criait pas à la conspiration mais exprimait juste son idée qui consistait à dire qu’il est toujours sain de se poser des questions quand les choses ne sont pas claires et le moins que l’on puisse dire c’est que les choses ne sont pas claires.
lediazec
27 septembre, 2009 à 20:42
@ harakiri. Merci pour le compliment, mais surtout pour le fond. Je crois que de ce côté-là il ne faut rien lâcher. Je m’attends en ce qui concerne Kassovitz à des visites et à des commentaires enflammés. Le vôtre m’aidera à tenir encore plus fort ! Re-merci !
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babelouest
27 septembre, 2009 à 21:05
Il est bon que quelqu’un comme M. Kassovitz ose dire sur les grands médias des choses que l’on sait dans la Blogosphère, et que l’on y échange à peu près impunément à condition que justement, cela ne sorte pas de cette Blogosphère.
Deux réflexions à ce propos. D’abord, combien sommes-nous ainsi, dans ce cercle où l’on en sait un peu plus ? A la louche, bien sûr. 2 000 ? 10 000 ? 50 000 ? Quelqu’un le sait-il ?
La seconde n’est que louangeuse vis-à-vis de notre Lediazec, aussi bien sur le fond que sur la forme. JF Copé est l’un des salopards de la république, je crains que ceux-ci ne soient bien plus de douze. Dans mon esprit, salopard n’est pas forcément un terme négatif. Il fait très bien son boulot. Trop bien à mon goût. Mais là, il ne s’agit que d’une opinion personnelle : nous n’avons vraiment pas les mêmes valeurs.
b.mode
28 septembre, 2009 à 7:45
@rodolphe Je l’ai trouvée là par hasard http://poly-tics.over-blog.com/categorie-1257952.html
Made
28 septembre, 2009 à 7:56
Si copé ne connaît pas de fin de mois difficile, combien de députés sont dans la même situation que lui ??? Le fossé se creuse indéfiniment entre celui qui travaille à temps « choisi » ( c’est-à-dire partiel), le chômeur, le rsa, le rmi…et toute la gente politique, tous cumulards car mon bon peuple : 7000 euros par mois ne suffisent pas.
Ce qui m’a frappé, c’est qu’aubry pour faire son tour de France et rencontrer les « vrais français » a fait appel à une agence qui a sélectionné un « panel ». Les bras m’en sont tombés mais je dois être mauvaise langue.
Quant à Kassovitz, je ne sais pas mais lorsque les avions sont entrés dans les tours, j’étais comme par hasard devant ma télévision, j’étais étonné de vois les tours s’effondrer par le bas mais là aussi toujours la même « mauvaise langue ».
babelouest
28 septembre, 2009 à 8:10
Made :
Mais c’est normal que les tours soient tombées par le bas !
Avec de bonnes oreilles, j’ai entendu un castor qui hurlait « Tiiiimber » juste à ce moment-là. Efficaces, ces petites bêtes-là ! Il faut dire que les pompiers les avaient dérangées en plein repas d’anniversaire. La vengeance n’a pas tardé. Il faut dire aussi que la plupart des occupants des tours étaient invités, mais ont été retardés par des encombrements. Cela explique que ces immeubles où 20 000 personnes bossaient tous les jours étaient presque vides justement ce jour-là.
Ah çà ne s’est pas passé comme çà ? En tout cas, c’est aussi vraisemblable que la version officielle. Même que j’ai goûté le gâteau, au sirop d’érable et aux amandes.
lediazec
28 septembre, 2009 à 8:52
@ babel. Comme toi en ce qui concerne le terme de « salopard », pas forcément négatif.
Pour revenir à Kassovitz, ce qui m’a semblé suspect, c’est la rapidité de la mise en quarantaine de tous ceux qui osent un avis différent sur le drame des tours jumelles. La moindre question sortant de l’ornière est écartée avec beaucoup d’énergie et l’auteur suspecté d’on ne sait quel complot…
Bizarre et injuste.
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John sMet
28 septembre, 2009 à 10:03
Je suis d’accord avec toi, il faut soutenir Kassovitz, c’est un mec qui réfléchit et il ne mérite pas d’etre traité comme un révisionniste et pire encore!!
h16
28 septembre, 2009 à 13:51
Le texte est bon effectivement, et je rejoins l’avis exprimé : il n’est pas normal – pardon, il est même scandaleux de taxer les indemnités d’AT.
Ceci posé, on pourrait remarquer deux choses : quand tu dis « Copé est trop prosterné devant le libéralisme », je me permets de toussoter discrètement en faisant remarquer que le libéralisme est par essence très très contre toute taxation et tout impôt (et ça lui est régulièrement reproché, puisque sans impôt, nous dit-on, point de social). Faudrait donc savoir, hein
Il ne s’agit donc pas de libéralisme du tout de la part de Copé. Ce qui m’amène à la deuxième chose, le « pourquoi ».
Si le sieur Copé en arrive à vouloir taxer les indemnités pour accident du travail, c’est que tous nos joyeux drilles ont noté, avec un frayeur à marquer leurs fonds de slip, que les caisses de l’état sont vides. Car pour en arriver à cogner si ouvertement sur des gens pour lesquels ils ont employé l’adjectif de « privilégiés » (ce qui dénote d’une vision de la vie particulièrement puante), c’est que la situation est désespérée.
Enfin, c’est mon analyse. Elle vaut ce qu’elle vaut.
…
comment ça elle est toute pourrite ma nalyze ?
b.mode
28 septembre, 2009 à 14:58
@h16 Ah tu tombes bien toi ! Hors donc, vous êtes contre toute taxation (je suis d’accord) et tout impôt (là je m’interroge). Vous faites comment alors pour faire marcher le schmilblick ?
clarky
28 septembre, 2009 à 23:28
en retard d’un train comme souvent en ce moment, c’est un superbe billet rodo et moi non plus je ne suis pas impartial
le dimanche, enfin surtout le samedi soir après le match de VA, je parle foot et informatique avec l’excité du virage nord, ça fait du bien de faire le fielleux de temps à autre, putain se faire taper par VA, in the baba cette année encore
amitiés rodo.
lediazec
29 septembre, 2009 à 9:52
@ clarky. M’en parle pas, ni du virage nord, ni du virage sud. J’ai vu le match avec mon pote le Pat. D’entrée de jeu nous avons su que ça allait foirer. Même la défense de Coatascorn (c’est un bled à côté où les vétérans vont jouer) n’aurait encaissé le moindre but contre VA. Lamentable ! Et ça file à Santiago Bernabeu défier le Real ? Ben, bon courage ! Préparez les valises, les gars ! Verts nous étions avec mon pote !
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