Difficile de faire entendre une voix raisonnable dans le concert de malentendants poussés par la furie de la substitution, les uns se prenant pour les juges, les autres pour les deux : juge et bourreau. Rattrapé par le temps (toujours implacable) Roman Polanski fait un voyage de trente deux ans au coeur de sa conscience, se retrouvant de fait devant le principe d’immanence propre à la justice presque divine des États-Unis. Ce qu’il y a d’affolant dans cette affaire vieille d’un certain nombre d’années ce ne sont pas les faits dont on ignore quasiment tout, mais l’aberration qui conduit chacun à juger de ces faits sans même savoir ce qu’il s’est réellement passé. Ni contexte, ni histoire, ni responsabilité, ni témoins (ou si peu), mais un élan collectif irraisonné pousse les gens à juger, condamner et brûler quelqu’un que nous considérions il y à peine un souffle comme « intouchable ».
Arrêtons, voulez-vous, de brandir les arguments habituels : « si c’était ta soeur ? Si c’était ta mère ? Si c’était ta fille ? » La justice ce n’est pas cela. Du moins ce n’est pas pour cela que nous nous sommes battus et nous battons encore. La justice est un ensemble de faits qu’on juge après analyse et non la trame de « La poursuite impitoyable » d’Arthur Penn avec Brando, Jane Fonda et Redford où l’on découvre à la fin (comme toujours) que la victime n’était pas le coupable. Dans ce film (un classique du genre) émettre un doute sur la culpabilité du persécuté vous rendait complice. Dans la situation présente, cela fait de vous un pédophile ou presque, du moins chez ceux pour qui la réflexion est pour après. Il n’y a pas si longtemps, on a exhumé le corps d’Yves Montand pour des histoires foireuses de paternité. Rien à voir avec l’affaire Polanski, d’accord, mais avant de devenir bêtes, essayons d’être ce que nous cherchons à devenir depuis toujours : justes et humains.
A Calais, c’est un autre drame qui se joue. Un drame dont les protagonistes (le gouvernement français et les exilés de passage) jouent avec conviction une histoire grotesque. Dans la salle où le film est projeté le public ne sait pas s’il doit rire ou pleurer. Même les esprits les plus simples ont compris le scénario : on les vire par la porte, ils reviennent par la fenêtre, tel pourrait être le titre de cette comédie humaine, dans laquelle l’empreinte s’efface à coups de fer chauffé à blanc.
Burlesque aussi, car une équipe de l’émission « Action discrète » de Canal Plus en tournage à Calais a été interpellée et le ministre de l’immigration, Eric Besson, dénonce la « grave dérive médiatique » qui semble gangrener le milieu des médias En effet, ces « guignols » avaient tout faux : uniformes, cocardes tricolores, cartes de visite, ordre de mission du ministère, etc. Comble de l’insolence, ils tenaient en laisse des « comédiens grimés et présentés tels des migrants à adopter comme animaux de compagnie. » Bien sûr, le ministre tient à dénoncer avec toute la fermeté du monde cette « mise en scène inacceptable », s’insurgeant « sur une caricature mensongère et insultante du travail des services de police et de gendarmerie, et sur la diffusion d’une image dégradante et humiliante de ressortissants étrangers en situation irrégulière, qui sont les victimes des filières de l’immigration clandestine, et qui méritent notre respect. »
Eric Besson se réservant « la possibilité de donner toute suite utile à cette affaire« . Vas-y bichou ! On attend la suite. Détail important : le préfet du département, Pierre Bousquet de Florian, a porté plainte auprès du procureur de la République de Boulogne. On n’est jamais assez prudent ! La fonction de préfet ne tient pas à grand-chose du côté de la présidence.
Un lieu qu’il n’est pas prudent de fréquenter c’est France Télécom. Si vous cherchez du boulot, mieux vaut aller travailler au noir n’importe où pour un salaire de misère que de devenir cadre dans la prestigieuse entreprise de télécommunication. Au moins là vous ne courez pas le risque d’être sauvagement délocalisé, vous l’êtes d’office. Ayant intégré ce fait, de facto, votre esprit refusera le suicide comme alternative. Quelle est cette entreprise modèle, citée en exemple dans le monde entier dans laquelle, pour un oui pour un non, les employés sont prêts à se balancer du haut d’un viaduc sans élastique ? Si cela ne vous fait pas penser à quelque chose, moi c’est tout de suite que je songe au harakiri. Il y a de l’acharnement chez les employés de France T. ou je n’ai rien compris au scénario ? Est-ce une nouvelle méthode de lutte révolutionnaire contre l’exploitation capitaliste ? 24 suicidés entre février 2008 et aujourd’hui cela ne vous interpelle pas ?
Pour la première fois (c’est à noter) depuis le début de cette épidémie et non « mode » comme cela a été récemment déclaré, Didier Lombard, le PDG, s’est rendu sur le lieu de travail de l’employé, à Annecy-le-Vieux. L’employé était absent, évidemment !
Arrêt maladie ou accident du travail ? Dans quelle catégorie allons-nous pouvoir classer ce citoyen ? Qu’en pense monsieur Copé ? Lui toujours aussi prompt à déclarer des choses sur les plateaux télé ou devant les caméras ou encore récemment à l’occasion du rassemblement UMP au Touquet ?
Allons-nous flanquer à ce suicidé un impôt sur les revenants ou pas ?
Version française d’Henri Salvador
Version anglaise de Brian Eno
b.mode
30 septembre, 2009 à 17:42
Enfin, un propos que je partage sur Paul en ski, loin du lynchage hurleur façon twitter et de la défense à la con façon Mythe errant ou coucouche nerf… Bravo pour le billet !
Rébus
30 septembre, 2009 à 18:00
Entièrement d’accord, c’est pour ça que je n’ai pas aborder l’affaire Polanski, la plupart des commentaires sont dans l’émotionnel, sans connaitre les faits, vieux de plus de 30 ans et sans jamais les remettre dans leur contexte.
Pas nécessaire de défendre le cinéaste mais le lyncher, non, sans façons
lediazec
30 septembre, 2009 à 20:03
@ cricriB En effet, twitter c’est de l’instantané, du brutal, de l’instinctif
Mais pas que ça. Heureusement. Merci du commentaire.
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b.mode
30 septembre, 2009 à 20:11
Twitter, c’est quand même un sacré déversoir de haines misérables et d’approximations crétines. Je vais pas m’attarder trop sur la chose…
Hervé Torchet
30 septembre, 2009 à 23:23
J’ai pris position en deux temps, d’abord justement sur le doute, puis sur la double éventualité de la condamnation et du pardon, et enfin sur une curieuse convergences de pressions exercées sur la crédibilité de la Justice.
clarky
1 octobre, 2009 à 0:21
twitter, de la merde en barre, mais là c’est vraiment un avis très perso !!!
quant à l’affaire du bal des vampires, faut croire que tirer sur le pianiste juste pour le seigner ça en fait bander plus d’un.
rodo connait mon point de vue sur polanski, pas la peine que je m’excite le bulbe ici
putain, faudra m’expliquer un de ces quatre pourquoi on fout pas en zonzon tous les rockers qui se sont levés des belettes façon raie mineure, biscotte quitte à pousser le raisonnement à la con que certains voudraient impitoyable et exemplaire, ça en ferait du monde à mettre à l’ombre des jeunes filles en fleur
super billet breton !!!
ps: bon le real s’est fait, maintenant place au rocher suchard et attention à la crise de foi…