Accueil Politique La maison du peuple suivi de Compagnons – Louis Guilloux

La maison du peuple suivi de Compagnons – Louis Guilloux

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Je traînais une sale humeur dans mon grenier.

Je tiens à le répéter, j’éprouve un profond dégoût pour le président de la république française. Tout est minuscule chez lui. Sauf les ficelles qu’il utilise. C’est un ancien avocat qui flanque la honte à la justice et discrédite la corporation. Combien des comme ça ?… Qui font de la triche leurs fonds de commerce ? Ce gars joue le mauvais rôle dans le mauvais film. Il est le Ronald Reagan du pauvre.

Il œuvre pour son profit personnel, pour celui de sa famille et pour le bien-être de ses chiens de garde. C’est un chef de clan ou de meute. Sans doute les deux. Tout, sauf le président de tous les citoyens. Par son action, il est en train de faire cabaner notre fragile et boiteuse démocratie.

Il est urgent de débarrasser l’édifice de cet agent nocif qui mérule la charpente. Une erreur se corrige. Un furoncle s’extirpe !

Dans le monde silencieux du savoir et de la réflexion, j’allais au hasard, cherchant un livre qui me procurerait la distance qu’il faut entre l’événement et la colère intérieure.

Je posais une main sur « La métamorphose » et je la retirais aussitôt. Livre extraordinaire et tellement connu. A ce demander : « qui n’a pas lu ou entendu parler de lui et de son auteur ? » Je n’avais pas l’esprit à évoquer la vie des blattes, des cafards et autres cloportes.

Je continuais ma progression. Puis, juste là, entre une complexe « sociologie du langage » et un Jean Paulhan, mon voisin le briochin : Louis Guilloux. « La maison du peuple ». Un livre préfacé par Albert Camus ! Autant dire que nous en avons deux pour le prix d’un. Né et mort à Saint-Brieuc (1899-1980), Louis Guilloux est un homme qui n’est jamais sorti de sa discrétion en s’aidant des bras pour prendre la place de son voisin. Comme le peuple, dont il est issu, c’est un humble au talent impeccable. Un homme qui se méfie des honneurs et refuse les médailles. Un gars fier de son travail. Qui n’aime pas la guerre et qui faisait tout pour la combattre. Un homme libre. Extraordinairement libre. Il était l’ami préféré de gens tels Gide, Malraux ou Camus…

Cela fait longtemps que je songe à célébrer la mémoire de Louis Guilloux, ami de beaucoup d’intellectuels et vrai fils du peuple. Socialiste sans carte, il cherchait dans la géographie de ses racines la protéine d’un avenir commun à l’humanité, sans guerres ni religions encombrantes.

Qui songe aujourd’hui à Louis Guilloux, hormis la plaque sur laquelle est frappée son nom, collée au coin d’une rue dans laquelle se déversent des milliers de vies à la recherche d’un nom propre ou d’une administration où aller demander un délai pour casquer sa taxe.

Je prenais le livre et ouvrais ses portes avec l’appréhension de celui qui pénètre un royaume qu’il connaît et dont il redoute l’immersion. Soudain, j’ai peur, je suis paralysé. Je n’ose pas le moindre pas dans cet univers dont je connais l’étendue et la misère, je suis orphelin d’un geste, d’une parole. Je deviens maladroit. Quand on vient d’en bas, il faut beaucoup de talent et beaucoup de courage pour libérer la parole, pour trouver le mot juste, pour ne pas être injuste ou excessif. Pour être à la hauteur exacte de la vérité. La parole qui vous a vu naître, qui vous a bercé, qui vous a fait vivre, quémander, souffrir et qui vous aide à rester debout sans ne rien renier de votre dignité, sans rien devoir au mensonge. C’était l’époque où l’on parlait échoppe, varlope, allumeur de réverbère et autres bricoles du genre, comme ressemeleur de chaussures. C’était l’époque où les gens de mauvaise fortune faisaient le trimard, le trottoir pour les filles, le vagabondage pour les garçons. Mélangez le tout et vous obtiendrez le vrai cocktail d’un monde où le courage ne suffisait pas toujours pour rester debout.

Paradoxe de l’histoire. A l’époque du roman de Louis Guilloux les ouvriers se battaient pour construire de leurs propres mains la maison du peuple. Ils prenaient sur leur temps de repos (le dimanche) le temps de bâtir un lieu de vie commun à tous. Un espace pour lire, pour penser, pour se battre et pour rêver. Un lieu à la hauteur des revendications ouvrières et du combat qu’ils menaient pour un monde meilleur. Aujourd’hui, nous avons cet espace, mais il n’y a plus d’ouvriers !

De la prise de conscience à la trahison, espoir, luttes et déceptions formaient les rigoles d’un même champ. La couleur était au rouge. La couleur était au noir. Le rouge du drapeau. Le rouge du sang versé pour une vie, pour une cause, pour un bonheur commun à tous, pour porter haut les couleurs de sa dignité. Le noir pour porter le deuil de toutes les souffrances et de toutes les humiliations.

Un roman de culture, un roman d’émotion, dans lequel les notions d’amitié, de solidarité, de respect, de fraternité et d’humanisme ont un sens. J’ai pleuré en relisant « Compagnons », dédié à Jean Guéhenno. Deux fois que je pleure en lisant ce roman.

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