Que nous soyons pour ou contre la fessée, avec ou sans loi, une chose est sûre : rien ni personne ne peut grand-chose contre la branlée que nous recevons en ce moment, aussi bien culturelle que politique. Force est de l’admettre : la politique est au service de l’argent. Le politicien est la potiche du système libéral actuel, avatar radical du grand capital, son serviteur, son agent. Son chien de garde.
La planète se délite et la seule chose qu’on nous propose c’est d’écouter les bonnes intentions des gouvernants sans piper mot. Si d’aventure l’idée vous vient de mettre en doute la conduite des affaires du pays, d’en dénoncer la dérive autoritaire, gare à vous ! Vous êtes mûr pour un débat identitaire et pour une marseillaise matinale à l’école, comme d’autres ont obligation de réciter le coran.
L’obscénité vient de franchir un degré supplémentaire dans la frénésie du fric facile. On convoque des gens dans la rue pour une distribution gratuite d’argent liquide. Cela me fait penser à ces vieux films de cape et d’épée où l’aristo jetait au manant en passant. Promis/juré/craché, vous aurez droit au miracle. L’argent c’est fastoche, pas besoin de travailler, aucun effort, sinon celui de tendre la main. Quelques milliers de personnes se sont déplacées. Submergés par le nombre, pris de panique, les organisateurs de ce buzz de la misère prennent peur et décident d’annuler l’opération. L’effet de surprise est dévastateur : la kermesse s’est transformée en échauffourée. Se sentant flouée, la foule s’est défoulée. Des vitrines sont brisées, des voitures renversées, des magasins vandalisés et des émeutiers sont arrêtés. Les réactions ont été nombreuses et l’entreprise qui organisait la chose, se frottant les mains, pointe (dans un premier temps) du doigt les services de la préfecture avant de se raviser, reconnaissant « une erreur » voire « une catastrophe ». Comme on dit : « faute avouée est à demi pardonnée ». Mais les faits sont là dans toute leur brutalité. Un sentiment de dégoût s’est emparé de l’opinion publique. Au-delà de l’événement, les gens s’interrogent sur des problèmes d’ordre moral et politique.
Parmi les réactions, notons celle du ministre du budget, Eric Woerth, se déclarant vigoureusement horrifié par le procédé. Il a raison. Quant à ce bon vieux Brice Hortefeux, il annonce que trop c’est trop et qu’il a décidé de faire casquer la société pour les dégâts causés par cette ignoble opération, déclarant sur Europe 1 : « J’ai effectivement décidé de présenter la facture à cette société. Il n’est pas question que ce soit le contribuable qui paye« . Il va plus loin en ajoutant que cela constitue un « délit ». Il n’en demeure pas moins que ces ultras de la loterie libérale et de la précarité, ne font qu’appliquer à la lettre l’un des points du programme présidentiel de Nicolas Sarkozy pendant sa campagne : « travailler plus pour gagner plus », entre autres perles de même facture. Par la porte ou par la fenêtre, tout ça se tient. Avec ou sans loi, ça pue au royaume de l’arnaque et de la corruption.
La « démocratie libérale » est un mensonge qui repose sur un leurre. Où avons-nous vu que l’argent soit vecteur de démocratie ? Et si nous disions tout simplement « esclavage libéral » ?
Comme le disait, non sans pertinence, Michel Serres l’autre soir à la télé, se référant à internet dans cette affaire de marketing, à ces milliers des gens sortis du ventre de leurs ordinateurs pour quémander le fric promis, je synthétise sa pensée, mais je suis sûr de ne pas la trahir : « méfions-nous que ce peuple de l’ombre ne vienne à la lumière pour autre chose que pour mendier quelque argent ». La crise est telle que les temps sont à la guerre civile mondiale. Pour contrer tout débordement, les puissances du monde s’organisent afin de mettre un place un ordre totalitaire dont la mécanique repose sur la phobie.
Profitant de l’échec de la politique de Sarkozy et du mécontentement qu’elle génère dans l’opinion, les affrontements font rage au sein de la gauche (au PS en particulier) pour savoir qui est le mieux placé pour prendre la direction des opérations et le pouvoir. On se chatouille la couenne sans même se demander : « prendre le pouvoir pour faire quoi ? » Changer la couleur du drapeau ? Éditer une version corrigé du nouveau missel ? Changer l’heure de l’angélus ?…
Avant la mise à mal de l’actuelle majorité, il semble naturel de faire la critique minutieuse du système, en démonter le mécanisme, dénoncer la mécanique et avoir une idée de ce par quoi nous voulons le remplacer… De cela, il n’en est pas question dans les discours que je lis. Les frères et sœurs se réunissent, s’engueulent, crient, vitupèrent, tapent du pied et chacun s’en va son chemin convaincu d’avoir défendu la bonne cause.
Pendant que le pays se liquéfie, qu’il implore ses représentants de la gauche, celle-ci s’égare en discussions byzantines.
Mais la gauche… Celle pour laquelle nous militons. Celle pour laquelle nous nous prenons le melon, nous engueulons, nous insultons… Celle qui colle au palpitant, qui te flanque la chair de poule, qui fait bander le rêve, celle que nous voudrions voir danser dans la rue, elle est où ?
Elle est où cette gauche qui s’occupe de société et qui parle de politique, de culture, d’humanité, de famine et de fraternité ?
Vient ma belle, vient ma gazelle. Le lion n’est pas mort pour rien !
RPH
19 novembre, 2009 à 7:33
L’avertissement de Michel Serres est tout à fait pertinent. J’avais déjà fait cette remarque à une boulangère qui venait gémir auprès de moi, me sachant à gauche, des versement qu’elle devait faire « aux caisses » pour les douze personnes qu’elle employait: » Mais madame, cet argent vous est très utile à vous, car sans cela, ceux qui vivent dans les bas quartiers, au lieu d’ acheter vos croissants, eh bien ils casseraient votre belle vitrine et ils viendraient vous les voler… »
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