Si tu ne faisais pas partie des passagers embarqués, la lente et inexorable dérive du paquebot France aurait presque à tes yeux un parfum de spectacle pour salles obscures tant la personnalité de son commandant de bord, bornée, mesquine et névrotique, fascine autant qu’elle révulse. Tu songes à l’Humphrey Bogart d’Ouragan sur le Caine, au comportement inquiétant voire dépressif que seul trahissait un besoin compulsif de masser des grosses billes dans la paume de sa main.
Tu te remémores ses décisions absconses qui, jour après jour, mettaient un peu plus en danger un équipage inquiet. Tu te souviens de son obstination maladive à maintenir un cap illusoire contre vents et marées. Tu frissonnes devant l’épilogue tragique de cette chronique d’un fiasco annoncé. Tu cherches à tâtons dans la nuit hostile le bras rassurant de ta compagne comme pour te convaincre que la réalité présente n’a pas dépassé la fiction. Tu te pinces pour te réveiller de ce cauchemar marin.
Tu te lèves aux aurores scintillantes et dans un demi-sommeil, tu allumes ton poste de télévision. Dans la lucarne vacillante, un petit homme s’agite et harangue ses fidèles. Il grimace puis sourit jaune tandis qu’il est secoué de haussements d’épaule frénétiques. Il sue comme un docker, harassé sans nulle doute par la lourdeur de sa charge. Il scande chaque syllabe de sa logorrhée vaine comme pour mieux convaincre un auditoire pourtant déjà soumis.
Galvanisée par l’ardeur de son extatique démiurge, l’armée des ombres, peut désormais partir d’un pas robotique, à la conquête du plus de régions possibles. Sans vergogne et sans états d’âme. Sans s’interroger sur les deux ans et demi de galère traversé par le paquebot en perdition. Sans se demander pourquoi l’équipage gouvernemental, totalement dépassé par les évènements en général et par la crise en particulier, écope à la sauvette les avaries continuelles que subit le navire sans gouvernail. Sans réfléchir à la signification profonde et à l’utilité réelle de la multiplication des lois qu’on sort de la casquette mitée de l’amiral au gré des faits divers et autres avis de grand vent.
Naviguer à vue tout en s’accrochant au bastingage du pouvoir pour éviter de tomber à l’amer, telle est désormais la feuille de route improbable d’un capitaine pas si courageux que cela. Et dire qu’il suffirait d’une saine mutinerie pour éviter le naufrage imminent…
lediazec
29 novembre, 2009 à 7:39
Magnifique description du film et d’un père Humphrey magnétique dans sa folie, grand dans sa dérive. L’autre, le petit, le ticotic, le nôtre, n’est hélas, nous le savons maintenant avec certitude, qu’un chef d’équipée, pas d’équipage.
Ton papier donne envie de revoir le film.
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babelouest
29 novembre, 2009 à 8:06
Chef d’équipée ? Vous avez dit chef d’équipée ? Il est tout au plus chef de bord de ses talonnettes, un chef de bord que les tasses de vodka qu’il boit font tanguer, rouler et chavirer. Les vaisseaux de haut rang que sont l’Assemblée et le Sénat le dominent de leur hauteur hautaine, de leur fureur élégante, de leur noblesse chargée d’Histoire. Les rameurs sont pourtant à son service, mais de plus en plus la chiourme est en alerte, elle s’insurge malgré les fouets. Le chef de bord vacille. Mais de robustes financiers le remettent droit sur ses youyous, et il repart dans un fracas de paroles à la syntaxe heurtée et douteuse.
Vous êtes sûrs que nous avons bien le capitaine ad hoc ?
cpolitic
29 novembre, 2009 à 8:08
Putaingue c beau! L’article pas le clown Sarko… Quant à la fin, elle sera effectivement tragique!
auris
29 novembre, 2009 à 9:11
On est même plus étonné qu’il se conduise en chef de l’UMP, et non comme Président .
Devant le naufrage annoncé,personne pour prendre la tête de la mutinerie.Où sont les canots de sauvetage ?
gauchedecombat
29 novembre, 2009 à 10:43
Bravo pour la qualité de ton écriture. cependant, Sarkozy moi ne me fascine vraiment pas : c’est un m’as-tu-vu comme il en existe tant, la psychopathologie en plus… Son comportement histrionique au sens psychiatrique du terme nous fera un jour effectivement couler. Et laisse déjà plus que des traces d’écume… : des ruines derrière les réformes encore fumantes qui ont déjà détruit tant d’acquis sociaux en France. sans guère d’opposition bien efficace, hélas.
b.mode
29 novembre, 2009 à 11:08
@GDC Qu’on lève illico toute ambigüité, je n’ai aucune fascination pour ce lampiste mais force est de constater que toute la stratégie du consortium patronat-média fait tout pour qu’il en soir ainsi. Tandis qu’il amuse la galerie dans les médias, de voici au monde e,passant par TF1, les privilèges des nantis sont préservés de toute polémique voire accentués. Il ne t’a pas échappé qu’on essaie avec lui de nous initier au culte de la personnalité, là où on ne voit que quelqu’un qui se couche devant les grosses fortunes. Une personne alitée en quelque sorte auprès duquel le grand patronat veille comme lait sur le feu…
@cpolitic La seule interrogation concerne la date du naufrage
@Auris On enterrera les rescapés
@Babel Tintin, on a rien du tout, nada, peau de zob. Si on a Allègre dans le role du professeur Tournesol…
LA GRIGNETTE
29 novembre, 2009 à 15:29
Cà m’a fait penser aux discours de ces chefs de vente au petit matin devant leur équipe de bras cassés » allez les gars, chacun sa valise et marquez, marquez les gars,et appuyez fort Madame, c’est en triple exemplaires », n’oubliez pas la méthode « bonjour madame, je suis tartempion, champion des couillons d’aspirateurs etc..etc.. ». Ce qu’ils ne savaient pas « les gars » c’est que leur petit patron attendait le fruit de leur travail pour prendre son dividende et qu’au dessus de lui d’autres attendaient tout autant. Ce qu’il ne savait pas « le gars » c’est qu’il vendait de la merde au prix de l’or pour engraisser tous ces proxos du travail, alors que lui, pauvre cloche ne cherchait qu’à se payer une patate … (vècu)
h16
29 novembre, 2009 à 15:47
Oui, effectivement, le billet donne envie de voir le film.
Pour la mutinerie, je pense qu’il n’y en aura pas, en tout cas, pas tout à fait comme on peut s’y attendre…
Harakiri
29 novembre, 2009 à 16:23
Il a l’air de se faire chier le jeune derrière Sarkozy. Tu me diras, on le comprend.
La meilleure révolution se fera dans les urnes en 2012, allez, plus que quelques mois à tenir (enfin, espérons)
b.mode
29 novembre, 2009 à 16:53
@ grignette ma femme a vécu ça aussi quand elle faisait du porte à porte pour tenter de vendre des encyclopédies divers et avariés à des paysans qui n’en avaient que foutre.
@H16 Si tu ne l’as pas vu, je te conseille le visionnement. C’est excellent…
@Harakiri Le jeune fait tapisserie mais s’emmerde quand même un peu. Si tu es sage, tu seras jeune pop mon fils lui a pourtant dit papasarko…
babelouest
29 novembre, 2009 à 17:38
@ B.mode As-tu vu le film « L’entourloupe » ? Il est sorti en 1974, avec Dutronc, JP Marielle et G Lanvin. Exactement çà, la vente d’encyclopédies médicales à des paysans. Sauf que cela se passait dans mon village natal et aux alentours. C’est là que mon père les a vus (je bossais assez loin à l’époque) complètement biturés au Pineau. C’est une arme fatale !
b.mode
29 novembre, 2009 à 17:46
Oui Babel, je l’ai vu et j’ai beaucoup ri; ça se passait où déjà ?
babelouest
29 novembre, 2009 à 18:06
@ B.mode : les scènes les plus nombreuses ont été prises à Coulon, un village assez connu du Marais Poitevin. En revanche, d’autres scènes ont été tournées dans d’autres communes. Celle de la fin, où ils renversent un calvaire avec une bétaillère, fut prise à la sortie de mon patelin, juste devant un pré appartenant à ma sœur. Le calvaire était le fac-similé de celui du village, mais qui est placé sur une autre entrée.
La vache qu’ils ont emmenée à Paris appartenait à un copain de mon père, la bétaillère aussi. Ah c’était de l’authentique !
lediazec
29 novembre, 2009 à 19:13
Sympa les anecdotes babel. Ca fait vivre l’article une seconde fois. Marielle/Dutronc/Lanvin…
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LA GRIGNETTE
30 novembre, 2009 à 1:00
@ Harakiri : t’as pas compris c’est la diarrhée verbale de Sarko qu’il essaie de retenir !
@ B.Mode, aspirateurs, encyclopédies et finir par la Bible en 7 volumes reliée cuir au secrétaire de section communiste du nord de l’Aunis (vendue bien sûr)… toute une jeunesse entre le pineau maison et le cognac de petit producteur … l’a pas connu çà le tinain, l’a jamais su rire de bon coeur.
@Babelouest, la vache du copain de ton père qui est-ce qui la trayait deux fois par jour ?
b.mode
30 novembre, 2009 à 5:50
@grignette Non, son rire est crispé et aussi franc et massif qu’un Tullius Detritus…
babelouest
30 novembre, 2009 à 6:07
@ La Grignette
J’espère pour la pauvre bête, que, dès le tournage du trajet terminé, elle a été confiée à un éleveur de la région parisienne, il en reste. Pour l’eau-de-vie, j’ai bien connu aussi. Mon père était commissaire aux comptes de l’association maraîchine qui gérait l’unique alambic du coin, il m’arrivait de lui donner un coup de main les jeudis d’hiver quand la machine en cuivre accomplissait son office. Il ne fallait pas se tromper, les bouilleurs de crus étaient très surveillés par les inspecteurs des fraudes. Encore une chose qui n’existe plus.
Quand j’allais au collège, dans la voiture familiale, je passais toujours devant la maison des grands-parents de Bernard Giraudeau. C’est aussi là qu’on croisait les trains de billes de bois, en partance sur la voie d’eau pour la scierie ; ou le boucher et sa barque aménagée avec glacière, qui faisait sa tournée. Il n’était pas si rare de voir encore des « batais » plus grands et plus larges, où 4 ou 5 jeunes bovins mâchouillaient paisiblement leur foin entre deux prés. C’est tout un monde, pour moi familier, qui a disparu à jamais.
LA GRIGNETTE
1 décembre, 2009 à 2:28
@Babelouest
Ce n’était pas de l’eau de vie directement tirée du bouilleur de cru que je parlais, çà c’est en Aunis qu’il passait, les vieux avaient encore des droits et pas question qu’ils cassent leur pipe ceux là ! Les marais, c’est Jacques, mon mari qui s’en occupait (vannes, curages de fossés, nettoyage des cours etc…) il en revenait parfois dans des états pas mal !
Moi, avec ma Bible (c’est vrai qu’elle était très belle, je suis amoureuse des livres)j’allais dans les petites distilleries où on trouvait encore de ces anciennes cuves et alambics en cuivre rutilant qui distillait « la blanche » à 70° ou +, en Saintonge du côté de Matha où il y avait encore de vieux propriétaires sympathiques qui me racontaient tout un tas d’histoires de ce pays. De bons souvenirs crois moi, un petit verre pas plus parce qu’elle tape !
Un jour, j’avais crevé et j’ai vu passer une voiture à toute vitesse avec….mon mari au volant. Le soir, il m’a juré qu’il ne m’avait pas vue, j’étais seule sur la route et elle était droite ! Il avait eu une réunion avec les viticulteurs du coin….
b.mode
1 décembre, 2009 à 3:06
@babel et la Grignette. La lecture de l’évocation de ces souvenirs d’antan est un véritable plaisir. Merci pour votre présence ici. ça faisait un bout de temps que je voulais le dire. C’est fait.
Complémentaire santé
2 décembre, 2009 à 16:07
je suis un peu confus de tous ces histoires.
b.mode
2 décembre, 2009 à 17:31
@ complémentaire Gné ?
babelouest
2 décembre, 2009 à 18:24
Pas poncrit non plus…..