Joseph Jacotot le proclame par la bouche de Jacques Rancière : un ignorant peut apprendre à un autre ignorant ce qu’il ignore lui-même. J’interprète ? A peine. Ce même Jacotot, une drôle d’escopette, allant plus loin, proclamait « l’égalité des intelligences ». Un scandale ! Ce sieur Jacotot disait ça au début du XIXème siècle ! Pensez bien que très vite ces idées sont tombées dans l’oubli. Aucune oreille sensible pour les accueillir. En les ressortant, les lustrant et les mettant au goût du jour, Jacques Rancière nous rappelle une évidence : nous sommes toujours aussi cons et aussi fiers de l’être. Imaginez l’idée révolutionnaire : un con. Un vrai de vrai. Un qui en a des couches sous la couche. Et bien, sans le savoir, par pur génie intuitif, s’affranchissant du poids encombrant des atavismes, faisant fi du matraquage culturel dont il est l’objet sinon la victime, comme ça, par enchantement, malgré ces brutes de papa-maman qui n’ont rien fait d’autre qu’envoyer la sauce, le rejeton expulsé, livré au démerde-toi-avec-la-jungle-que-voici, devenant, sans crier gare, l’être émancipé dont parle Rancière. Géant, non ?
Je vous le donne en cent comme en mille, ce gars-là est né pour emmerder tout le monde. A commencer par lui-même. Vous vous rendez compte ? Au début du XIXème siècle. Même Fourrier avec ses phalanstères a oublié de nous parler de Jacotot ! Mais où est la vérité dans tout ça ? Ne serait-elle que le simple reflet d’une idée dans la vitre des utopies ? De telles interrogations dans la nuit de dimanche à lundi, ne vont pas arranger ma semaine. Ça démarre très mal.
Je sortais de ma nuit, très tôt, à vrai dire. Trop tôt. L’avais-je seulement démarrée ? J’étais en sueur. Mon ti-short baignait dans une sorte de jus que je me dépêchais de rincer sous la douche. Je m’étais frotté avec un savon qu’on disait actif et énergétique. Un savon miraculeux, qui, quand tu es mort te ressuscite. Aussi revigorant que le bouillon du soir chez les vieux. Soudain, je me suis senti très bien. Pas trop quand même. Mais assez pour récupérer le bout de nuit qui manquait à ma mémoire. Il n’était que 2h40. Je venais à peine d’éteindre la lumière. Je m’endormais devant je ne sais plus quel programme quand j’ai appuyé sur le bouton stop.
C’était la rediffusion d’une émission politique. Toutes les télés du monde diffusent la même émission dans la nuit de la veille au lendemain. Ce dont je me souviens avec précision c’est l’image de Martine Aubry, son visage rond, taillé dans une marbrerie prolétarienne, le fonds de teint bien réparti, l’oeil pétillant, voire malicieux, s’adressant à un présentateur qui me ressemblait. Je ne me trouvais pas beau. Je ne me trouve jamais beau. Je la questionnais distraitement sur les 35 heures, le chômage, la retraite, la spéculation banquière, son programme… Elle répondait à toutes mes questions de manière distraite, elle aussi. Comme si son esprit voguait déjà dans d’autres dimensions. Je remarquais un peu d’humidité sur la pulpe de ses lèvres. Cela m’excita, me fit presque perdre le fil de mes questions. Je gagnais en désir ce que je perdais en professionnalisme. Je me souviens, après le plateau, l’avoir raccompagnée jusqu’à sa loge. Chose que je ne faisais d’ordinaire avec aucun invité. Nous longions des couloirs interminables avec plein de portes de chaque côté, la gratifiant de commentaires élogieux sur sa prestation, sur son humour, son charme discret. L’effet que son pouvoir de séduction exerçait sur mon esprit. Puis ce fut le vide. Quand je dis le vide, ce n’est pas une figure de style, un effet de manches. Je parle de vide sidéral. De cette chose qui vous happe et vous fait quitter la réalité pour un temps important.
Je ne revois de ces instants que le flou de l’ivresse m’emportant vers des cieux merveilleux. Dans cette course folle en direction du néant, le souffle de Martine dans mon cou, me plongeait dans la plus totale confusion. L’esprit ayant déserté mon corps, nous n’étions plus que matière. Le chaudron bouillait sur la braise d’un désir longtemps contenu. Le trouble frisant le paroxysme, j’oubliais toute prudence. Je me jetais à corps perdu dans cette bataille où chaque parcelle de chair dégageait des frisons sensuels. Petite, mais pugnace, constante, active, Martine s’accrochait à mon corps avec gourmandise. Elle m’enguirlandait et me prodiguait mille caresses. Je franchissais des hauteurs incalculables. Ce fut une grande et longue onomatopée. Je lui mordillai les lèvres, le cou, le lobe de l’oreille, de ses ongles, elle me labourait le dos. Je me souviens de ce frisson violemment voluptueux parcourant la galaxie de mon plaisir me faisant crier tel un bonobo.
L’huile de mes pensées se perdant avec l’eau de ma douche, j’étais à présent tout à fait réveillé. Le jour tarderait à venir aujourd’hui.
lapecnaude
16 février, 2010 à 2:56
Je disais bien, c’est moi qui fume !
Dis toi bien quand même que sous ma douche ce n’est pas le nain qui m’énivre !
Made
16 février, 2010 à 7:35
Cela m’a donné envie de vomir !!!
lediazec
16 février, 2010 à 7:46
@ Made. Pourquoi cela vous a donné des envies de rendre ? Martine n’aurait-elle pas le droit de prétendre à ce que tout le monde pratique couramment ? Serait-elle interdite de bonheur ?
Dernière publication sur Kreizarmor : Place Vendôme, haut lieu de l'indécence
Didier Goux
16 février, 2010 à 9:25
Avez-vous déjà remarqué que lorsqu’un rêve érotique fait intervenir une personne, y compris une à qui l’on n’aurait jamais songé en étant éveillé pour ce genre de choses, cette personne reste « érotisée » dans la mémoire pendant au moins une demi-journée après le réveil ?
lediazec
16 février, 2010 à 9:35
@ Didier Goux. C’est ma fatale demi-journée. Vous faites bien de préciser, concernant la personne en question, « y compris une à qui l’on n’aurait jamais songé en étant éveillé… »
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b.mode
16 février, 2010 à 11:05
Torride et vivifiant !
remi begouen
16 février, 2010 à 12:25
Rodolphe – Y a erreur quelque part. Ou bien l’interlocuteur de la divine Martine est beau, enfin dans la mesure où il te ressemble, ô toi le très beau (bonobo). Ou bien il ne te ressemble pas du tout, si il n’est pas beau (ce bonobo là). Enfin heureusement que le Jacotto vous proclame (et nous avec) dans ‘l’égalité de l’intelligence’ (avec les bonobos). Y a de quoi rêver, érotiquement, de l’avenir de notre doux zoo appelé France…
2pasag the papoteur
16 février, 2010 à 12:44
me d’mande ce qu’en pense Martine en se réveillant ce matin
j’espère que sous sa douche à elle, elle ne se demande pas si c cochon mal ou plaisir que cet fin d’interwiulve de plateau ou tout se dit dans le silence des réves de la nuit canaillepé
b.mode
16 février, 2010 à 13:16
Dans la série séquence cochonne, http://www.lexpress.fr/actualite/politique/villepin-sarkozy-ennemis-comme-cochons_849248.html
lapecnaude
16 février, 2010 à 18:39
Les demi-journées de Didier Goux ont combien d’heures ?