Journée clémente dans les Côtes d’Armor. Alors que dans le midi et jusqu’à Barcelone et en Corse il neige et pèle à pierre fendre, la côte bretonne se berce dans un va-et-vient quasi printanier. On n’hésite pas à profiter de ce bonheur qu’on n’imagine pas définitif. Je butine de l’info en toute sérénité. J’ignore de quoi va être fait mon papier de demain. J’avais mis de côté l’info sur la manif des magistrats, avocats et personnels judiciaires et pénitentiaires. Un mouvement unitaire de l’ensemble des corps de justice pour protester contre le sabordage de celle-ci. Du jamais vu. Une vingtaine d’organisations unies par une volonté commune : empêcher le National Président de démanteler le système judiciaire français. Un ras-le-bol qui en dit long sur la nature de l’overdose. Monsieur Sarkozy est le grand unitaire de ce pays. Il a réussi (cela semblait impossible avant son arrivée au pouvoir) à unir le pays autour d’un unique cri : « Casse-toi-pôv-con ! »
Dimanche qui vient c’est jour d’élection. J’ai retrouvé ma carte d’électeur. C’est peut-être puéril, mais je suis tout heureux. Je la lustre un peu, lui redresse les coins un peu écornés, la range dans mon portefeuille. J’ai sur mon bureau la grande enveloppe avec le programme de chaque liste. Il y a des têtes que je connais. Je me marre à l’idée de la tête qu’elles feront à l’occasion. Il y a aussi des copains que j’aime bien, embarqués dans des galères d’où ils en sortiront, j’en suis persuadé. Tiens donc !… Unetelle. Wahou !… Je ne l’imaginais pas Front de Gauche. Comme quoi… Je ne manquerai pas mon rendez-vous au bistrot « Au Village » ce 14 mars. Ah, non ! Mes potes, comme moi, tous endimanchés, diront pour qui ils ne voteront jamais, mais jamais pour qui ils ont voté. C’est une règle d’or. Je dis toujours pour qui j’ai voté. Ça agace. A la réaction de certains, je sais s’ils ont dit vrai ou s’ils ont raconté des boniments. Ce sera l’occasion de faire ce que nous faisons quand nous nous retrouvons : nous casserons du président. C’est une saine habitude. On parlera de foot, de rugby, de cyclisme ou des JO récemment bouclés, il y aura toujours quelqu’un pour mettre sur le tapis la dernière du président. Je nous imagine abordant les dernières victoires de la musique et le succès de Benjamin Biolay … Bof ! Même si la fille du père Higelin, Izia, a du tempérament, c’est inévitablement sur Biolay que ça se finira. A cause de la rumeur. Plein la soupière du président, des rumeurs, des vierges moustachues effarouchées ! Rien de nouveau au pays des petites crapules.
Je continue ma lecture. Le Nouvelobs n’est plus ce qu’il était. Ma belle-mère, par fidélité à la gauche (elle s’y était abonnée en Afrique, à l’époque des colons) et un peu aussi parce qu’elle avait le béguin pour Jean Daniel. Du coup, de temps en temps, je le lis. Trois tonnes de pub, un article. Pas bandant. Mais bon… Avec l’internet, je lis nouvel Obs.com. Pareil. La seule chose qu’il faut intégrer (aucun mal là-dessus) est que le Nouvelobs n’est plus de gauche. Ne le dites pas à ma belle-mère, elle serait déçue. A son âge… Pour le reste, ça reste un magazine de navigation politique correct. Je suis tombé sur « 50 ans de campagnes et de coups tordus ». Sûr que nous ne sommes pas à la noce avec nos campagnes électorales. Le truc bien bidon. Tout comme l’immobilier à Rennes. De tous bords fusent les astuces pour éviter de s’adresser aux citoyens en des termes politiques concrets. Mais, sur ce point, avec mes potes du village, nous ne sommes pas dupes. Nous nous sommes fixés une règle : nous parions sur celui qui sortira la plus sale affaire pour éviter de parler de choses concrètes. Avec ça, l’importance du scrutin des régionales, est secondaire. Pour vous donner une idée : 2010 et l’affaire Soumaré. En 2007 ce fut l’affaire Clearstream. Yves Bertrand, un spécialiste, le dit : « le scandale fait partie de la vie politique » et donc de sa période faste : les élections.
J’allais oublier de toucher un mot sur cette affaire syndicale qui secoue l’univers des pauvres. Un appel à la grève chez Emmaüs ! Ça m’a troué le cul ! Le dernier endroit où je pouvais imaginer la fabrication d’un calicot pour revendiquer des droits, comme cela se fait couramment chez France Télécom, Renault, Peugeot, EDF ou la Poste… Je suis sûr que mes potes vont, eux aussi, en être surpris. Sud/CGT/FO, trois syndicats unis dans une même déclaration pour dénoncer : « Emmaüs ne devrait pas être un patron comme un autre » ! Salaires et contrats précaires et les syndicats d’exprimer le voeu de vouloir des « négociations sérieuses et loyales » sur les conditions de travail. Comme si cela n’allait ou n’était pas le cas dans l’entreprise Emmaüs. Un monde !