Je ne devrais pas m’énerver, mais c’est plus fort que moi. Le matin je fais mon tour des blogs, ça aide à la mise en train, la vie suspendue à sa propre futilité. Ce qui est important, ce qui l’est moins ou pas du tout… Les cons, les idiots, les méchants, les frustrés, les jaloux, ça fait du monde tout ça. Heureusement il y a du bon. Du très bon même, et cela fait plaisir.
Vous vous en doutez, par ces temps de brouillard, l’Islande fait l’objet de toute notre attention. Car au-delà de la pétoche que la mauvaise humeur volcanique suscite, c’est notre égoïsme ou notre sens des responsabilités qui est mis à « dure » épreuve. Notre vie bien rangée, bien insouciante, bien organisée, bien trépidante : le matin ici, le soir de l’autre côté des fuseaux horaires a de quoi faire la nique à la science et à la conscience. Or, depuis la « surprise » islandaise (elle ne serait que la première d’une série), nos petites affaires ne se déroulent plus comme nous les avions planifiées.
Zut alors ! Des milliers d’avions cloués au sol, des kilomètres de tarmac, déserts de bitume, sur lequel la gomme des roues ne dégage plus son odeur de caoutchouc brûlé dessinent une architecture surréaliste. Soudain, nous regardons et pensons autrement. Plus de trainée de réacteur dans le ciel. Des économies de kérosène. De la pollution en moins. De quoi réjouir le monde de l’écologie et les citoyens soucieux de propreté. Les « expatriés », livrés à eux-mêmes, transpirent sous les bras. Aucun aérosol pour occulter l’odeur d’angoisse qui se propage dans le corps et dans l’esprit. On fait du tourisme forcé dans le monde. Dès que le quidam bloqué, hirsute, mal rasé, aperçoit une caméra de télévision, se plante devant pour exiger à cor et à cri l’immédiat rapatriement. Des cellules d’urgence sont mises en place à la hâte. Hélas, la nature est capricieuse, ils doivent encore patienter. La dissipation des micro-poussières est lente et les vents fantaisistes.
Comme jadis, pendant un instant, la vie redevient lutte, effort… Solidarité. On apprend l’humilité, terme dont nous avons oublié l’origine. Sans avion, il reste encore le bateau et la route pour regagner notre domicile. Bien sûr, un petit détour s’avère nécessaire. La vie retrouve un peu l’ambiance et de l’émotion d’une époque révolue que certains passéistes regrettent ou célèbrent, c’est au choix. Il y a aussi le voyage à dos d’âne. Pas facile pour qui n’a pas l’habitude des onagres. C’est têtu un bourricot. Quand ça ne veut pas avancer, rien à faire. Inutile de le taper, c’est pire. Tout cela exige de la patience, beaucoup de patience. Par voie maritime ce serait pas mal, cela aurait l’air d’une croisière, les étoiles en moins. Avec un exemplaire de l’odyssée d’Homère, vous aurez tout loisir de vous farcir les douze mille et quelques hexamètres et les 24 chants de ce livre particulièrement long en trouvant la traversée tout aussi emmerdante que le bouquin. Avec un caboteur, cela peu prendre un certain temps. Si par malheur vous souffrez du mal de mer, aie, aie, aie !
Pour vous donner une idée. Au Maroc, pour atteindre la ville de Melilla, enclave espagnole au Maroc, jadis lieu de résidence de Xavier Grall, depuis Ceuta, l’autre enclave espagnole chez les berbères, il y a environ 500 kms de côte, autant dire une distance ridicule. Et bien, il m’a fallu quand même un peu plus de vingt d’heures pour l’atteindre ! Par la route c’était pire ! Un conseil fraternel à tous ceux qui sont bloqués malgré eux : armez-vous de patience, mes chers frères, mes chères soeurs ! Apprenez des rudiments de langage du pays, sa culture et son agriculture, où que vous vous trouviez, instruisez-vous, ça peut toujours s’avérer très utile dans un proche avenir. Cela dit, le périple pour regagner votre lieu d’origine peut se révéler pittoresque. Oh, mon bateau !
Cependant, ne soyons pas étonnés si les compagnies aériennes, les gouvernements et autres institutions sont prochainement submergés par des plaintes citoyennes pour exiger des dommages et intérêts. Pour empêchement de circuler en rond. Du boulot en perspective pour les avocats, jamais à court d’une « juste cause » à défendre. Je suggère à ces institutions de se retourner à leur tour contre le volcan islandais et contre l’Islande tout court, pour avoir abrité de tels phénomènes. Une procédure longue et fastidieuse qui aboutira à tous les coups à un non-lieu.
Le premier et le dernier sentiment chez l’humain est la peur. Peur de vivre, peur de mourir. Un blogueur fustige, à sa manière, l’absence des chefs d’états aux funérailles de Kaczynski, le président polonais mort récemment dans un accident d’avion. Cette mort, voyez-vous, ne me fait rien du tout. Il ne me viendrait pas à l’idée d’aller pleurer un réactionnaire homophobe sous prétexte que son avion s’est écrasé avec lui dedans ! Ça me fait penser à la valse des bombes atomiques de feu Boris Vian. Pourquoi ? Je me le demande.
C’est au milieu de toutes ces spéculations sur les dessous pas très chic de notre terre que, tranquillement, Philippe Val annonce que rien n’indique que « l’humour doive intervenir à 7 h 55″, à propos de la chronique matinale de Stéphane Guillon sur France-Inter. Ben voyons ! Au-delà du fait qu’on aime ou qu’on déteste Stéphane Guillon, il y a déni. De penser, de s’amuser, d’être impertinent… Monsieur Val est un larbin et un méchant clébard ! Étant donné que cette tribune accroche l’esprit des auditeurs au moment où ils sont en route pour le travail, où qu’ils attendent une proposition d’emploi, à l’heure où l’esprit est encore très réceptif, elle dérange les camarillas qui n’hésitent pas à trancher dans le vif. Pas question de la supprimer, mais de la décaler, dit-il, avec un brin de pudeur.


