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Le livre de la nature

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rmi1.jpgContrairement à la joyeuse ‘caverne d’Ali Baba’ qu’est le grenier de notre ami Lediazec, je tente d’avoir du rangement (relatif) dans mes bouquins. Mon modeste logement est envahi d’une bibliothèque – ce n’est pas forcément la mienne, vu les départs et arrivées diverses – qui doit dépasser 1500 volumes, sans compter les rayons de revues et autres archives…

Une bonne moitié – au pifomètre – est attribuée à ‘la littérature générale’, classée à peu près par ordre alphabétique des noms d’auteurs (romanciers, essayistes, dramaturges, poètes…). Autres rayons :

- Ceux de la poésie, avec un beau rayon de la précieuse collection de Seghers ‘Poètes d’aujourd’hui’ et beaucoup de petites publications (qui seraient perdues dans les rayons alphabétisés… d’ailleurs où mettre des brochures de recueils de divers auteurs ?).

- Ceux des essais ou documents sur la société, l’écologie, etc. dont j’ai extrait récemment une sous catégorie, tant elle prenait de place, consacrée au ‘monde arabe’ en général, et en particulier au Moyen-Orient (je dois ce remaniement salvateur à un petit meuble à étagères, trouvé dans la rue et que j’ai ramené chez moi avec l’aide d’un jeune qui était par là… et qui fut assez maladroit – tant il était pressé de rejoindre sa copine – pour me faire chuter sur une arête de trottoir… mais c’est une autre histoire, comme c’est une autre histoire de vous confier que la moitié de mon ameublement vient de ‘récup’, et l’autre de bricolages ‘perso’…)

- Ceux des ‘beaux livres’, je veux dire plus simplement de documents sur des artistes peintres ou sculpteurs, et bien plus encore de photographes, mon autre passion avec la poésie. Et cela cohabite avec mes ‘monstrueuses’ archives mal rangées de milliers de mes propres photos (je solde !), datant d’une époque de 30 ans où je me croyais photographe en plus de me croire poète – avec le concept de ‘phoète’ (dont je devrais faire un essai de 500 pages !).

Et puis il y a bien sûr divers dictionnaires et atlas, cela va de soi, et ‘Le Livre de la Nature’. Inclassable. Avant d’en dire plus, quelques mots sur le comment j’ai connu ce bouquin et comment j’ai pu l’avoir. Nous vivions en communauté libertaire à Vincennes, vers 1970. J’avais ma compagne et mon copain D. avait la sienne, on s’entendait fort bien, nous tous et en particulier nous quatre. Bon. Et puis les choses se compliquent. D, instituteur, avait ce livre que je découvrais, seul dans la salle commune, cependant que le couple ami, de l’autre côté du mur, faisait grand bruit. La compagne de D fit soudain irruption, presque nue, jusque dans mes bras… Je passe… D et moi sommes restés bons amis, bien que sa compagne devienne la mienne, plus tard… Plus tard, je cherchais ce bouquin, introuvable, car ‘retiré de la vente puisque dépassé par le progrès de la science’, sic. J’ai fini, têtu, par aller chez Flammarion, enquêter. Un archiviste a entendu ma plaidoirie, m’a emmené dans les sous-sols et m’a montré une caisse pleine de cet ouvrage destiné au pilon. Ouf, merci, il m’en a discrètement donné un exemplaire (j’aurais dû en demander 2 ou 3 pour le même prix…

Il est exact que, sur des points de détails, cet imposant ouvrage (2 tomes de 17 x 26 cm faisant ensemble environ 800 pages, pesant bien 3 kg.) est ‘dépassé’… comme l’est par exemple la si ‘Grande Encyclopédie’ de Diderot et d’Alembert. Que l’on consulte toujours avec délectation, tant l’effort collectif de l’époque fut fécond, en particulier dans l’alliance des textes et des illustrations. Et là, l’analogie s’impose. Le génie de l’auteur, c’est l’alliance des dessins pédagogiques et inventifs (près de 400 !) ou des rares photos, avec sa ‘dissertation’, parfaitement enlevée. Du bel ouvrage, à la fois très littéraire (c’est-à-dire agréable !) et très construit, sobrement. Le premier tome – ‘la ciel, la terre, la vie’- comporte d’abord une brillante première partie : ‘Espace et temps – Force et matière’. Le second – ‘la plante, l’animal, l’homme’ se décompose en quatre parties : ‘la plante, les invertébrés, les vertébrés, les primates’. Voilà le programme de ce ‘Panorama de la science moderne à la portée de tous’ !  Son auteur est le D° F.Kahn, dont l’éditeur ne dit rien, sinon que la parution initiale de son livre est en allemand, chez un éditeur de Zurich (la première édition française est de 1958, j’ai dû l’avoir en 1973). Herr Doctor F.Kahn est donc Suisse Alémanique ou Allemand. Cela ne se sent que dans ses belles références au grand poète philosophe Goethe. J’ai tenté d’en savoir plus sur Google, mais en vain : Il y a 72 pages sur ‘Kahn’ ou ‘Khan’… et 718 en tout, si l’on veut poursuivre ! (sur ‘le livre de la nature de F.Kahn’, vous trouverez 2 vendeurs). Je suppose que sa première édition à Zurich doit dater d’environ 1955, soit dix ans après le régime nazi. C’est dire que, pour moi, cet ouvrage reste important, puisqu’il m’a réconcilié avec la pensée humaniste et créatrice de l’allemand, si perturbée par le nazisme !… Il est aussi probable que l’auteur soit juif et ait pu fuir, ‘se réfugiant’ à réaliser son œuvre gigantesque… Mais j’ai bien sûr oublié cet aspect des choses, plus tard : je relit régulièrement des passages de cet ouvrage, entre deux lectures. Il est devenu si l’on veut ‘ma bible’, mais une bible illustrée et ô combien foisonnante de clarté !

rmi2.jpgPresque toute sa lecture, dont l’éditeur nous dit qu’elle est ‘plus passionnante que celle de toutes les fictions’ (!) reste d’actualité. Les ‘réserves’ à avoir doivent surtout concerner, sans doute, le début – puisqu’on en sait beaucoup plus sur ‘l’espace-temps’ et ‘le ciel’ qu’il y a 55 ans – et la fin, puisqu’on a également beaucoup progressé – merci Yves Coppens ! – dans l’étude des primates et de l’homme. Sans tomber dans le grossier racisme de ‘l’homme blanc supérieur’, l’auteur reste marqué de l’idéologie de son époque : ce n’est que vers 1960-70 que les scientifiques ont commencé d’abandonner le mot ‘race’ pour l’étude de l’espèce humaine, et c’est en 1998 qu’Albert Jacquard a publié le merveilleux livre L’équation du nénuphar’ (ou ‘les plaisirs de la science’). Dans lequel il tord le cou, avec brio, au concept de ‘race humaine’ (réédition en poche en 2005, à 3,50 euros, offrez-vous ça !)… Avec ce petit régal en complément du gros pavé qu’est ‘le livre de la nature’, je suis gâté : à défaut d’avoir ‘poursuivi de grosses et savantes études’, je poursuis ainsi mon petit bonhomme de chemin d’autodidacte. Quitte, en tant que citoyen conscient de la si grande nature et de la si petite nature humaine en son sein, à aimer surtout vagabonder ailleurs, vers la poésie et la photographie ! Sans oublier d’écouter ‘cette musique qui nous vient des étoiles’…

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14 Commentaires

  1. remi begouen

    17 mai, 2010 à 6:01

    Merci de cette parution, peut-être un peu rapide : je signale 2 petites erreurs à corriger, si possible : Pour ((la poésie)), cela signale que ces mots entre parenthèses doubles doivent être mis en italiques. Beaucoup plus loin, il est écrit ‘les invertébrés vertébrés’ (non sens), alors que mon texte est : ‘les invertébrés, les vertébrés’, plein de sens.
    Merci aussi des liens établis ! Santé !

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  2. babelouest

    17 mai, 2010 à 6:15

    Merci, Rémi, de rappeler ainsi, avec la verve qui fait notre bonheur, cette jouissance que procurent les livres ! Pour moi, c’est une petite encyclopédie de 1938, de chez Hachette, qui m’a passionné pendant des années. Elle avait une reliure rouge, et le format d’un Petit Larousse des années 50. C’est mon père qui l’avait eue en cadeau, en tant que « livre de prix » de son redoutable Certificat d’Études Primaires. Il l’avait peu ouverte. Les travaux des champs l’avaient saisi jusqu’à sa mort, ou presque. Gamin, je m’y étais passionné pour ce panorama des sciences et des savoirs.

    Ce volume a disparu. Je l’ai regretté. Aujourd’hui, pour trouver l’équivalent, il faut ouvrir « L’univers de la science », du robuste Isaac Asimov, oui, le chantre des Robots. http://pagesperso-orange.fr/monot.jc/biblio/l_unsc__.htm Son 1,7 Kg bien relié est solide, de même que sa couverture de carton bleu. Il date déjà de 1986. Peut-être a-t-il été réédité depuis. Quant à son style, c’est celui de l’un des maîtres de la science-fiction, passionnant. Seules petites remarques, en bon Américain Asimov ne reconnaît pas les frères Lumière comme inventeurs du cinéma ; d’autres détails du même genre accusent sa petite faiblesse d’outre-Atlantique, un peu comme les soviétiques de l’époque stalinienne qui attribuaient beaucoup d’inventions à un mythique Popov.

    C’est dommage, je n’ai pas autant de lectures : à chaque déménagement, j’ai sacrifié celles qui étaient trop datées, ou vraiment inintéressantes. Il m’en reste environ 800 je pense. Mes plus rares, découvertes chez les bouquinistes, sont sans doute les récits d’espionnage de Pierre Nord, et des éditions originales de science-fiction, numéros spéciaux de la vieille revue Satellite. Peu de poésies, en revanche, et peu de romans « classiques » ornent mes étagères. Je préférais souvent une étude sur les ordinateurs au Japon, au dernier Goncourt (je n’en ai qu’un, et dans le français inimitable de nos frères d’outre-Atlantique, celui d’Antonine Maillet).

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  3. b.mode

    17 mai, 2010 à 8:27

    L’aventure de l’art au XXème siècle de Jean Louis Ferrier n’est pas à proprement parlé une encyclopédie. Mais c’est un fantastique voyage à travers l’art contemporain, un guide précieux pour ceux qui ne « comprennent rien » à l’évolution de la peinture en particulier depuis le début du XXème. Il m’a été offert il y a fort longtemps et m’a permis de plonger tête baissée dans cet univers fabuleux qu’est la peinture. L’ouvrage se présente sous la forme d’un journal de chaque année du siècle. http://www.dessinoriginal.com/2281-l-aventure-de-l-art-au-xxe-siecle-9782812300349.html

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  4. clarky

    17 mai, 2010 à 15:02

    nouvelle pratique médico-chirurgicale illustrée, 1911-1912, 7 tomes achetés chez emmaus, j’y entrave peau de zob mais les illustrations sont saisissantes, de la belle ouvrage.
    des herbiers à la pelle pour ne pas oublier que y’a pas de fumée sans herbes et surtout des polars, noirs de préférence et de la SF !!!

    y’a un vieux bouquin aussi que je garde précieusement, côté affectif oblige, c’est « des dieux des tombeaux des savants » de ceram, les puristes me diront que c’est de la merde en barre parce que vulgarisé au possible, mais j’ai relu ce bouquin plusieurs fois et toujours le même plaisir de se prendre pour un archéologue.
    autant l’histoire au collège puis au bahut m’avait royalement emmerdé, autant ce gros bouquin m’a fait aimer l’égypte, troie , la pierre de rosette, babylon tu déconnes, bref, l’histoire des civilisations sans prise de caboche.
    tiens, un autre livre qui m’a terrassé dans le bon sens du terme, l’histoire universelle des chiffres d’ifrah, quand on me l’a offert, je pensais vraiment ne pas le lire, mais j’ai bien fait de mettre de côté mes a priori à la con ;)

    merci rémi de parler de jacquard, j’ai pas écumé toute sa production, juste quelques parutions de vulgarisation scientifique et philosophique et j’ai apprécié, mais je crois que j’aime encore plus ce petit bonhomme pour l’humanisme qu’on lui connait.

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  5. lediazec

    17 mai, 2010 à 18:30

    Moi, mon bouquin de garde, c’est un truc volumineux, comme souvent quand il s’agit de globaliser une pensée en partant de soi, minuscule portion perdue au milieu de ses illusions. Ce livre, « L’homme et la terre » d’Elisée Reclus est un voyage géographique à l’intérieur de notre humaine curiosité. Outre l’aspect physique de la planète bleue dans ses diversités, dans sa beauté et dans ses richesses, notre géographe fout par terre avec beaucoup de talent et autant d’arguments que de conviction l’idée du surhomme dont quelques tordus ont cherché à propager la sale idéologie. J’ai l’édition de 1930 en trois volumes bien tassés. Magnifique.
    Sinon pour revenir à l’objet du papier de Rémi, j’ignorais tout de l’existence de ce docteur Kahn, suisse alémanique. En tout cas, les deux illustrations du papier sont magnifiques.
    Merci à Rémi pour cela. Et pour le reste aussi.

    Dernière publication sur Kreizarmor : Place Vendôme, haut lieu de l'indécence

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  6. remi begouen

    17 mai, 2010 à 19:47

    J’irai volontiers picorer chez toi, à l’occasion, ce gros bouquin d’Elisée Reclus, dont je sais l’immense influence sur le mouvement anarchiste et les sciences humaines. Il a été le premier, je crois à vouloir placer (logiquement!) la géographie avant l’histoire, au lieu du médiocre programme ‘d’histoire-géo’ de l’Education Nationale. Cela bien avant les si célèbres découvertes d’Einstein sur ‘L’Espace-Temps’…
    Bref je ne vais pas prendre ni l’espace, ni le temps, ici, pour ergoter sur ce vaste sujet. Sinon pour l’anecdote suivante : Le géographe-historien haïtien Jean-Marie Théodat s’est exprimé un soir sur France-Inter – peu après le drame du tremblement de terre -. Il a été si éloquent, se référant à son ‘maître’ (!?) Elisée Reclus entre autres, que j’ai eu envie de le lire. Mais je n’ai pu acquérir que son gros ouvrage (près de 400 pages) qui s’intitule ‘Haïti République Dominicaine, Une île pour deux, 1804-1916′ (Ed Karthala). Je n’ai pas encore réussi à en lire 50 pages… mais je vais m’y remettre si j’ai … l’espace-temps !

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  7. lediazec

    17 mai, 2010 à 20:32

    @ Rémi. Ils sont là, les trois volumes. Pas la peine d’aller par quatre chemins…

    Dernière publication sur Kreizarmor : Place Vendôme, haut lieu de l'indécence

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  8. remi begouen

    18 mai, 2010 à 10:29

    On me fait la judicieuse remarque que les illustrations tirées du Livre de la Nature, telles qu’elles sont reproduites, sont bien fades puisqu’on n’y comprend pas (légende illisible) le sens, très pédagogique, dans le livre. Tant pis. Mais, à défaut, pour donner un aperçu du style de l’auteur, voici des extraits du passage consacré aux « céphalopodes, chefs-d’œuvre de la Nature », qui avoisine l’illustration du bas de mon article :
    « Chose remarquable, l’œil des céphalopodes atteint un degré de perfection qui le rend comparable à celui des vertébrés, au point que seul un spécialiste est capable de les distinguer (…) Donc, deux fois, au cours de l’histoire des êtres vivants, a été réalisé, et tout à fait indépendamment l’un de l’autre, un œil de « vertébré ». Parmi les « instruments optiques » de nature organique, l’œil des céphalopodes est le meilleur (…) Il en existe dont le cristallin a un diamètre de 37cm et dont le poids équivaut au quart du poids du corps. »
    Je ne sais pas pour vous. Mais moi cela me laisse rêveur. Je rêve, du haut de mes 60 kg, d’avoir un beau cristallin de 15 kg…

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  9. babelouest

    18 mai, 2010 à 10:39

    Cristallin, le whisky neuf de vos cellules ;) OK je sors…..

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  10. b.mode

    18 mai, 2010 à 11:05

    Rémi, existe-il quelque part des reproductions plus nettes du livre ?

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  11. remi begouen

    18 mai, 2010 à 13:12

    Mon cristallin de 15 kg, chers amis dissimulés derrière vos écrans, Babelouest, B.Mode et compagnie, permettrait sûrement de vous voir comme si vous étiez là, en face de moi… comme l’est en ce moment quelqu’une… qui rajoute que je débloque (ô!))

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  12. b.mode

    18 mai, 2010 à 13:25

    rémi, si tu peux nous fournir des documents un peu moins flous, je m’engage à les remplacer sur le champ ! ;)

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  13. remi begouen

    18 mai, 2010 à 20:05

    B.mode : vu les difficultés à avoir pu déja envoyer les 2 documents (flous), je ne crois pas possible de pouvoir faire mieux…
    Ah, si j’étais un céphalopode, ‘chef d’oeuvre de la nature’ (d’ailleurs je souhaite me réincarner dans l’espèce), ce serait autre chose !
    Je peux envoyer (mais c’est cher!) des photocopies par la poste. Ou bien, le mieux, c’est de trouver les 2 bouquins sur internet : Il y a près de 400 documents iconographiques !. Le lien mis sur Ruminances à ce propos signale un seul vendeur du seul 1° bouquin, intéressant, mais beaucoup moins que le 2°. Mais il me souvient qu’un autre vendeur propose les 2 volumes. Voir sur Google ‘Le livre de la nature de F.Kahn’…

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  14. remi begouen

    18 mai, 2010 à 20:09

    J’ajoute in extrémis que notre ami libraire de ‘La voix au Chapitre’ de st-Nazaire a connu dans sa jeunesse ce livre, qui faisait fureur… avant de disparaître comme le Titanic !!

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