Un facétieux et cher ami m’a donné, fin juin, un petit livre : ‘Les A-Côtés’, signé de Jean- Claude Carrière et reparu chez Pocket en 2005 (6 Euros). L’ami s’appelle Lediazec, Rodolphe pour les intimes, et ce beau cadeau eut lieu au moment de nous séparer à Nantes, après le fabuleux pique-nique réunissant, à l’initiative de Christophe Certain, des gastronomes plus ou moins (fils de) pieds-noirs et certains ‘ruminants’ (voir le bel article de B-Mode, du 27 juin 2010 : ‘Des gueules, des tronches, des fioles’ !).
J’ai repris récemment lecture des ‘chroniques radiophoniques’ qui constituent ce livre étonnant, dans sa diversité, sa gaieté, son intelligence. Par exemple, p.48, sous le titre ‘Géographie secrète’, ceci (légèrement raccourci) : ‘Les Français parlent souvent d’histoire et plus rarement de géographie. (…) Il est 7 heures 53 à Paris, le jour commence. L’Europe de l’Est et le Moyen-Orient en sont à la fin de matinée. En Inde, c’est l’après-midi, au Japon le soir. C’est pour cela que l’on donne, dans cette émission, les résultats de la bourse de Tokyo. En revanche tout le continent américain est entièrement plongé dans la nuit. Les places financières comme les bureaux et les gares. Presque tout le monde dort. (…) L’actualité s’avance sur la terre avec la lumière du soleil.’
Je vais ressortir cela à une chère amie, prof d’histoire-géo, à qui j’ai toujours dit que cette appellation est aberrante, puisque la géographie précède l’histoire (cf. ‘l’Espace-Temps’ d’Einstein !) et que sa discipline devrait donc s’appeler ‘géographie-hist’.
Ces chroniques m’ont surtout rappelé celles que j’ai faites, avec deux amis poètes (et parfois quelques invité(e)s) il y a une bonne quinzaine d’années sur une radio locale, ‘Micro-Climat’ (qui fut bouffée par ‘Europe 2’ !!). Deux ou trois fois la semaine, notre émission d’une dizaine de minutes s’appelait ‘Etc. et j’en oublie !’ et était dédiée à la poésie, avec des musiques plus ou moins appropriées. On préparait cela souvent chez moi, avec du vin rouge, mon vieil électrophone, et un enregistrement sur K7… avant celui de la radio, le lendemain. C’était divers, comme résultat. Il me souvient (le concept de poésie étant ‘etc.’) d’une mise en ondes époustouflante d’un texte d’Alphonse Allais.
Et aussi du ratage d’une autre, où j’avais embauché une charmante dame, qui ne connaissait pas le poème érotique prévu, mais qui devait simplement dire, sur un signe, des ‘Ha-ha-ha-ha…Haaa – îî…ha-ha-ha !’ entre deux strophes : elle le faisait de façon si intense que nous, les hommes, entre fous rires et vertiges, sommes devenus incapables d’aller au bout de l’aventure d’une diction correcte !
… Entre ces deux exemples, nous avons interprétés parfois des poèmes du trio, celui de l’un par un autre, toujours. Et le plus souvent des poèmes pêchés au petit bonheur. Du plus célèbre (Baudelaire) au plus inconnu (anonyme, même). Et puis vint Norbert. C’était un nomade chanteur de rue, s’accompagnant d’une orgue de barbarie, dont le répertoire allait de Lili Marlène à Brassens, en passant par Trenet, Piaf, Mouloudji, Dimey, etc. Sa particularité était sa voix très gutturale, avec fort accent germanique (qu’il était), en plus de son costume de clown triste. A chacun de ses passages à Saint-Nazaire, nous devenions plus amis. C’est ainsi qu’il fut invité à faire l’une de nos émissions. Le problème fut que son orgue ne passait pas dans l’entrée du studio radio, zut. On opta rapidement (nous étions seuls, les responsables nous ayant confié les clefs) pour la seule solution : desceller le calfeutrage anti-bruit de la fenêtre donnant sur la rue, l’ouvrir, y faire passer l’orgue, puisque le studio était au rez-de-chaussée, puis enregistrer et recalfeutrer après sortie de l’orgue.
L’émission eut bien lieu, très belle. Mais par la suite, patatras : notre bricole à la fenêtre était un désastre… et cela mit fin à cette aventure poétique inoubliable, comme le titre : ‘Etc. et j’en oublie !’
Car on croit oublier la poésie, mais on n’oublie que des poèmes : il en reste le goût, c’est l’essentiel. De même pour les prosaïques émissions de J.C. Carrière, qui semble papillonner, mais en fait, très poétiquement à sa façon, va à l’essentiel : la lucidité !
babelouest
5 août, 2010 à 5:27
Ô souvenirs exaltants d’un beau jour ! Ô que le drapeau noir était claquant sur la marmite ! Merci de nous remémorer ce fabuleux jour où nous fûmes réunis ! L’heure de la Manche et celle de la Saintonge Maritime finirent même par coïncider.
Notre ami Rémi omet d’ajouter que lui aussi écrit, avec quel talent ! Le poète né sur les lointains rivages aurait-il trop d’humilité ? Je te salue bien bas…..
lediazec
5 août, 2010 à 7:14
Très bonne surprise mon Rémi. Une pensée pour l’ami Pascal qui n’est plus et qui disait les textes avec, dans la voix, ce qu’il faut d’ivresse et de beauté. Ca nous change de l’ambiance délétère qui règne en Sarkozie. Merci.
Ah, Marlène ! Très beau crobard d’Erby. Et pour se sustenter, lapecnaude a ajouté de quoi nous réjouir.
Belle journée en perspective.
Dernière publication sur Kreizarmor : Place Vendôme, haut lieu de l'indécence
b.mode
5 août, 2010 à 7:24
A propos de lucidité…
« Le Code civil nous en parlerons plus tard. Pour le moment, je voudrais codifier l’incodifiable. Je voudrais mesurer vos danaïdes démocraties.
Je voudrais m’insérer dans le vide absolu et devenir le non-dit, le non-avenu, le non-vierge par manque de lucidité. La lucidité se tient dans mon froc. »
Toujours d’actu le léo !
remi begouen
5 août, 2010 à 7:35
La très bonne surprise est pour moi, Rodolphe : de la rapide parution de mon article et de son illustration signée de Martine Prud’homme : un tableau bien étonnant, émouvant, que je ne connaissais pas, dans la belle production si originale de cette originale, ta magnifique compagne que je salue bien bas !…
Merci aussi à Babelouest de me croire bien humble : en fait, il faut croire que je n’écris pas si bien que cela, puisqu’il n’a pas saisi que je m’inclue ‘poète’ dans le trio radiophonique de ‘Etc. et j’en oublie’. C’est au moins explicite dans la phrase : ‘nous avons parfois interprétés des poèmes du trio’(…)
Concernant le poète Pascal, trop tôt disparu, j’ai le projet de faire un article avec Jean-Phi, le troisième de notre bande de pieds-nickelés, sur notre cher camarade. Et, au moins, avant, de vous communiquer l’un de ses textes…qui reste à choisir !
b.mode
5 août, 2010 à 7:48
Sembles tu sous entendre, ami Rémi que tu dois d’habitude attendre trop longtemps avant parution de ta prose ? Mais c’est que ça se bouscule au portillon, les billets ! Demain, c’est au tour de Jean-Claude qui nous entretiendra des NOMistes…
clomani
5 août, 2010 à 8:25
J’apprends à vous connaître à travers vos billets… et j’aime bien celui-ci, Rémi, parce que tu nous y racontes d’heureux souvenirs de radio… qui me rappellent d’heureux souvenirs personnels de radio (sauf que je n’émissionnais pas).
Cet instant poétiquement gai ou joyeusement poétique met du baume sur mon coeur quelque peu « écorniflé » par une joute de mots et d’opinions sur un forum parallèle à @si !
Merci de nous donner du rêve, de la gaieté, et pour en rajouter un peu pour couvrir de belles couleurs cette actualité si grisaillante noirâtre, je vous propose d’écouter le concert des
Staff Benda Bilili à Nyon, en Suisse…
http://www.dailymotion.com/video/xe5loq_staff-benda-bilili-paleo-festival-n_music
Didier Goux
5 août, 2010 à 11:38
Tiens, puisqu’on parle de géographie, je me permets de (re)faire un peu de pub pour le sublime livre de Michel Chaillou : « Le Sentiment géographique », promenade littéraire autour de « L’Astrée » et des paysages dans lesquels s’enracine le roman de d’Urfé.
B. Mode : amusante coïncidence : j’ai écouter l’album « La Solitude » ce matin même, dans ma voiture, allant au boulot…
b.mode
5 août, 2010 à 12:36
Très bel album, Didier, avec le groupe Zoo en accompagnement…
Jean-Phi
6 août, 2010 à 20:38
Merci, l’ami Rémi d’avoir fais ressurgir de ma mémoire ces quelques moments « inoubliables », ces crises de rire qui faisaient que 3 minutes d’émission demandaient 3 heures d’enregistrement. Je m’en rappelle avec un brin de nostalgie. Pour Pascal notre ami, bien sûr, mais aussi pour le jour où nous avons essayé de faire une émission depuis le recueil d’un illustre génial inconnu qui me l’avait offert dans un bistrot : « Les aventures plus ou moins vécues de Nanard » dont je garde précieusement le livre. Pour l’anecdote, mais je crois déjà l’avoir raconté, je lui avait demandé ce soir là, entre deux verres de me faire une dédicace. Il s’est empressé de le faire : « Et que la bière coule à flots » et joignant sa dédicace au geste, il vida son demi de bière sur le livre que je dus faire sécher avant de le lire. Passé, quand tu nous tiens…