Pour terminer son bouquin « Mexique, calendrier de la résistance » (éditeur, rue des Cascades), le sous-commandant insurgé Marcos fait un petit historique de l’EZLN et du Zapatisme.
Parti au Chiapas dans les années 80 pour se préparer avec ses compagnons à une guerilla révolutionnaire armée classique (appelée Ejército Zapatista de Liberación Nacional), la rencontre avec la parole indigène les a fait évoluer vers une résistance moins meurtrière basée sur le refus de prendre le pouvoir.
Le 1er janvier 94, jour d’entrée en fonction de l’ALENA (Accord de libre-échange Nord Américain) apparaissent au Chiapas des cohortes d’indigènes au visage masqué par des passe-montagne ou des foulards rouges, munis de fusils en bois ou de bâtons. L’EZLN (l’armée entraînée pendant 10 ans) les encadre et les protège. Grosse découverte médiatique et premier enchantement occidental pour cette parole indigène. En même temps, des pourparlers avec les autorités mexicaines avaient lieu, afin que ces peuples indigènes pauvres, maltraités, méprisés, sans droit, ces « sans visages » deviennent visibles et audibles. En avril 94, a été lancée, entre la Société Civile et les Zapatistes, une rencontre internationale appelée « Aguascalientes » (en hommage à la ville où fut signée la 1ère convention mexicaine. Ces échanges furent pour tout le monde d’un profond enrichissement. Les liens étaient créés entre la Société Civile et les Zapatistes. Vu le succès de cette première rencontre, d’autres « Aguascalientes » ont été initiées dans le pays – une même en Espagne – , créant des liens, faisant évoluer les uns et les autres. Des résistances se sont créées dans d’autres états, s’inspirant du modèle zapatiste, chacune adaptée au problème local à affronter.
Cependant, l’ultra-libéralisme progressait à grand pas dans le pays. Marcos schématise la « guerre du néolibéralisme contre les plus pauvres et les enfants » en divisant le pays en 3 zones :
- le Nord, réservoir de main d’œuvre pour les maquiladoras,
- le Centre, immense « shopping center » destiné à la consommation effrénée (exemple : les petits commerces bannis du Centre Historique de Mexico pour faciliter l’extension des centres commerciaux, de la malbouffe et des grandes surfaces à la Wallmart)
- le Sud, réserve de « fincas » destinées à l’élevage de bétail, coupe de bois rares etc.
En 2003, l’EZLN et les Zapatistes du Chiapas décident de sacrifier les Aguascalientes. C’est une mort symbolique du mouvement armé. Ce qui va naître s’appellera « caracol », l’escargot… La spirale (cher aux Mayas puisqu’on en trouve dans quasi tous les sites archéologiques). Pour les indigènes, la parole part du centre vers l’extérieur et vient aussi de l’extérieur vers le centre.
La gestion des zones autonomes créées dans les années 90 a progressé grâce à toutes ces rencontres. Elles auront permis à d’autres groupes de lutter contre le néolibéralisme dans de multiples régions du Mexique. En même temps, croissait l’EZLN, organisation politico-militaire au commandement central (ainsi que la religion ajoute Marcos) était on ne peut plus antidémocratique. C’était une réelle contradiction avec l’autonomie. D’où cette mort symbolique des Aguascalientes. Les Caracoles chiapanèques autonomes ont une organisation très stricte, basée sur le « mandar obedeciendo » : commander en obéissant. L’autorité locale tourne, doit être au service de la communauté et pas l’inverse. Elle est surveillée par un Conseil qui peut la sanctionner à la moindre « sortie de route ». La spirale s’élargit avec les Conseils autonomes régionaux, même organisation, mêmes obligations. L’échange va du local au régional, sous forme de rencontres et de dialogue. En aucun cas un membre de l’EZLN ne peut participer à une gouvernance quelconque, à moins qu’il ne démissionne du mouvement armé. Car l’EZLN ne veut pas du pouvoir, par principe.
Priorités des Conseils Autonomes : la santé et l’éducation. Grâce à la société civile, des cliniques et des pharmacies ont été construites. Des agents de santé formés poursuivent des campagnes d’hygiène communautaire et de lutte contre les maladies.
En matière d’éducation (gratuite), toujours à l’aide de la Société Civile, ils ont construit des écoles, formé des promoteurs d’éducation et, dans certains cas, ont été jusqu’à créer leurs propres contenus éducatifs et pédagogiques. Les petites filles sont poussées à assister aux cours (alors qu’elles ont toujours été exclues de l’accès aux connaissances). Les diplômes et certificats de fin d’études sont rédigés en castillan et en langue locale. Cependant, Marcos précise que « tout cela d’extrême pauvreté, de carences et de manque de moyens techniques et de connaissances… sans compter que le gouvernement fait tout son possible pour bloquer les projets venant d’autres pays ».
En dehors de la santé et de l’éducation, les conseils autonomes s’occupent aussi des problèmes de la terre, du travail et du commerce. Vient de débuter un programme de gestion du logement et de l’alimentation.
Sur le plan culture, on favorise la défense de la langue et des traditions culturelles, sur celui de l’information, de nombreuses stations de radio ont été crées, émettant les bulletins d’information en langue locale. (Marcos précise que leur couverture de la guerre en Irak a été bien meilleure que celle de CNN).
Enfin, les conseils autonomes gèrent la justice. Dans certains coins, des autorités PRIistes (le PRI est un parti de corrompus qui détient encore le pouvoir dans beaucoup d’états) font appel aux Conseils Autonomes pour établir la justice parce qu’ils sont plus à l’écoute et résolvent généralement le problème.
Dans tous ces caracoles, les étrangers et sympathisants sont les bienvenus, à condition qu’ils ne se croient pas à l’hôtel ou qu’ils n’envoient pas des colis contenant des talons aiguilles (digression très drôle de Marcos) car les indigènes ne veulent pas de la « charité ». Ils demandent seulement à être respectés.
Enfin, Marcos termine en rappelant que les Zapatistes des Caracoles veulent un nouveau monde fait de mondes multiples (s’enrichissant les uns les autres).
babelouest
26 septembre, 2010 à 2:33
Et maintenant, l’action continue ? Merci, Clo, pour ce tour d’horizon. Il s’agit d’un pays grand comme 4 fois la France, avec seulement moins de 2 fois plus d’habitants… et surtout il s’agit d’un pays bien trop proche des USA et de leur capacité de pourrissement !
Remi Begouen
26 septembre, 2010 à 6:29
CARACOLE!… Je comprends mieux ton relatif silence, Clomani, ces temps-çi, sur notre blog : tu étais dans ta spirale et c’est bien ! Belle progression d’escargot (emblème par ailleurs de ‘La Décroissance’, il doit y avoir un rapport)… fragile aussi, vu la voracité des gastronomes en gastéporodes et la balourdise de divers pachydermes, genre éléphants du PS…
Très belle fin, sûrement provisoire, de ton ‘écriture méxicaine’, qui nous sort bien de not’hexagone minable… pour entrer dans la spirale ‘caracole’ du monde…si cruel aussi…
lediazec
26 septembre, 2010 à 7:00
Belle et riche série. Aller voir et rapporter l’expérience en mouvement de l’autre côté de la haie hexagonale ne peut que nous ouvrir l’esprit, nous aider à faire dégager cette odeur de renfermer que nous véhiculons par ici.
Sinon, tout est en place, merci à Bernard, c’est du boulot :
Billie Holiday-Armstrong, ticket gagnant dans la zyque du jour. La Mèche, le canard que Dassault ne rachètera jamais. Le pot-au-feu du curé pour bien protéiner le corps. La phrase du jour qui nous dirige droit vers… Allez le découvrir vous-même. Et, pour finir, l’indispensable piquouse de Docteur Erby !
Bonne lecture à tous en ce premier dimanche d’automne.
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Fifi d'Ardèche
26 septembre, 2010 à 12:58
« Un nouveau monde fait de mondes multiples s’enrichissant les uns les autres… » Quel bel exemple!
C’est possible , la preuve, et quel courage que le leur! Merci, Clomani!
b.mode
26 septembre, 2010 à 18:17
Mes chicots, mes chicots chantait l’immense édenté Mariano !
Remi Begouen
26 septembre, 2010 à 18:18
Il semble que l’appel à ‘la votation populaire du doigt d’honneur’ détourne provisoirement nos amis lecteurs de l’envie de commenter ton bel article. Mais, bon, cela viendra, puisque, comme le souligne Fifi, tu nous causes d’un ‘nouveau monde fait de mondes multiples’… et c’est autrement plus important que de choisir l’ordre des merdes qui sont censés (?) nous gouverner…
Remi Begouen
26 septembre, 2010 à 18:19
Censés ou sensés ???
b.mode
26 septembre, 2010 à 18:23
Des oeufs au lait mon grand, si ce sondage ne te plait pas…
lediazec
26 septembre, 2010 à 18:35
@ Rémi. On ne peut pas obliger quiconque, sulfateuse au bras, à poster un commentaire, quelle que soit la qualité du contenu. Quant aux doigts, c’est tradition maison, une fois l’an.
Pour le reste, je crois que c’est toujours moi le détenteur du record de moins de commentaires pour une note de lecture : 5 !
A l’époque, je n’avais pas eu « l’interférence » Doigts d’Honneur » contre moi, comme tu sembles le laisser supposer : d’un côté, les vrais, les durs, les purs, de l’autre… Les frivoles !
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babelouest
26 septembre, 2010 à 18:42
Pourvu qu’un jour, les Mexicains réussissent à bouter les saloperies qui les « gouvernent », et surtout les tondent ! Vive l’Amérique Latine libre ! Pour les USA, c’est plus simple : ils ont tué pratiquement tous ceux qui occupaient légitimement le terrain, c’est tellement plus facile ! Il serait d’ailleurs assez amusant qu’à force d’immigrations plus ou ou moins contrôlées, et de fécondité de ceux qui ont pris ce risque, les latinos deviennent majoritaires et prépondérants. Ce serait une belle revanche. Malheureusement, les yankees auraient eu le temps de les pervertir suffisamment pour que la victoire (pacifique) n’en soit une qu’à la Pyrrhus. Salauds de WASPs.
b.mode
26 septembre, 2010 à 19:11
Rémi, y’avait trois personnes qui avaient répondu en 15 heures ! on s’est permis de proposer autre chose… No comment ! si tu veux faire un site, fais le !!!
Didier Goux
26 septembre, 2010 à 19:28
Censés.
Remi Begouen
26 septembre, 2010 à 19:46
B.mode – Te fâches donc pas, ho ! On peut plaisanter un peu, non ?
b.mode
26 septembre, 2010 à 20:04
Marrant le Goux qui trolle ! je croyais que tu avais mis les adjas sur ce site ! même pas de parole ! petit slip !
clarky
26 septembre, 2010 à 23:57
censées même je dirais, voué on parle de merdes alors hein, tiens y’en a une qu’est de retour, manque plus que suzanne !
vivi didier, laissez les aliénés que nous sommes loin de vos brillantes conversations d’avec suzanne, des envolées lyriques remarquables, une analyse pertinente de ce que nous sommes, un constat imparable de notre microcosme ruminant, bref, à vous deux vous allez passer une superbe lune de fiel.
je dois bien admettre que je vous jalouse terriblement, quand je vois vos sites amis tels que corto ou la rate pour ne mettre que ces deux exemples là, ben la putain de sa race, qu’est-ce qu’on est bien en ruminances, on est pitêtre timbrés mais au moins nous on l’assume et on ne se prend pas pour des références scribouillardes.
pour l’autre thème qui semble chiffonner rémi, comme je le disais à rodo au bigo, on peut lire les billets et ne pas savoir quoi poster comme commentaire, c’est mon cas présentement, et puis y aller d’un « merci machin/bidule pour ce super billet » c’est pas mon truc, ça me rappelle trop opiOM où les mecs se fendaient de ce genre de comm sans avoir lu la moindre ligne de l’édito quand c’était pas encore plus faux-cul…
lapecnaude
27 septembre, 2010 à 1:58
Je peux dire quelque chose ?
Monsieur Goux si vous voulez apprècier et comprendre le commentaire de Clo, il vous faut cliquer sur la troisième icône à gauche en dessous des « histoires noises »… vous verrez, c’est instructif.
Puis vous autres, vous n’êtes pas charitables avec Suzanne, elle joue parfaitement son rôle de Dame Chaisière ou Douairière, je suis sûre qu’elle boit son thé avec le petit doigt en l’air !
Je vais encore prendre une ramonée par ma petite soeur !
Fifi d'Ardèche
27 septembre, 2010 à 10:50
Je me suis fait une réflexion à propos de l’organisation des Caracoles chiapanèques autonomes, que je n’ai pas osé écrire de crainte de dire une bêtise: cela n’est-il pas en fait une résurgence des modes de fonctionnement antiques de ce peuple et même, de nombreuses autres tribus, de par le monde?
@Lapecnaude, moi, je ne bois pas de thé…
Fifi d'Ardèche
27 septembre, 2010 à 10:53
rectificatif: » de nombreuses tribus » .(pas « autres »,car il s’agit là, maintenant, d’un peuple)
Suzanne
27 septembre, 2010 à 12:02
« Puis vous autres, vous n’êtes pas charitables avec Suzanne, elle joue parfaitement son rôle de Dame Chaisière ou Douairière »
Farpaitement. Il faut bien une idiote de temps en temps, même les rois avaient leurs bouffons.
N’empêche, et pour n’être pas venue pour rien, je vais vous faire un compliment, si, si, à vous, tous autant que vous êtes. Vous ne censurez pas, vous ne coupez pas les commentaires, vous ne « modérez » pas les commentaires critiques en attendant huit heures avant de les publier hors du contexte de la discussion, bref vous n’avez pas ce travers déplaisant qu’ont bien des blogs de gauche extrême qui se tartinent de tolérance tant qu’on ne les contredit pas, mais anasthasient à tour de bras, ce qui fiche assez la trouille quant au type de régime dont ils languissent tant.
laetSgo
27 septembre, 2010 à 12:35
Merci Suzanne ! effectivement, la censure n’a pas sa place ici (sauf qd les commentaires sont éhontément à caractère marchand, n’est-ce pas Rodo !)
laetSgo
27 septembre, 2010 à 12:35
au fait Suzanne, avez-vous voté ?
lapecnaude
27 septembre, 2010 à 13:46
M’enfin Suzanne ! ce n’est pas un blog de « gauche extrème », nous EXISTONS tout simplement, chacun avec notre caractère, bon ou mauvais selon les jours. Pourquoi mettre une étiquette ? C’est idiot ce clivage.
babelouest
27 septembre, 2010 à 13:57
Help ! Mon commentaire sur le tourteau refuse de passer…
clarky
27 septembre, 2010 à 14:40
ah voué suzanne ??!!??
un compliment, un peu comme ceux que vous avez balancés tantôt chez le collègue didier, où tous les ruminants n’avaient que des qualités…
faut pas me la faire à l’envers, même si chez les potes de didier y’en a qui doivent aimer ça.
purée, ce faire traiter de gauche extrême, et pourquoi pas d’ultra-gauche et de terroristes durailles aussi
clomani
27 septembre, 2010 à 17:01
Jesuissilencieuse parcequeje suisengvacances etque jene pige rien a laconfigurqtion grecque…
mercipour vos commentaires…Retour versle10 octobre
lediazec
27 septembre, 2010 à 17:09
Bises Clomani. Fait chaud chez les grecs ? Je sens le direct-live dans ce séjour !
Dernière publication sur Kreizarmor : Place Vendôme, haut lieu de l'indécence
babelouest
27 septembre, 2010 à 17:23
Eh ! Eh ! Puisque tu es tout près, monte donc sur l’Olympe, demander un coup de main aux dieux contre Toupty hi hi hi.
b.mode
27 septembre, 2010 à 18:10
jean claude ! c’est rectifié pour le fromager ! j’avais oublié de cocher une case !
suzanne bah oui nous on fait pas des articles sur les autres blogs, sauf quand ils sont bien
laetSgo
27 septembre, 2010 à 18:21
moi, me faire traiter d’extrême gôchissssse, ça me fait plutôt plaisir
la consécration serait d’être traitée d’anarcho-autonome ! (mais pas terroriste)
Didier Goux
27 septembre, 2010 à 19:40
Ben… je signale quand même que je n’avais fait que répondre à une question posée par M. Bégouin. Laquelle n’était pas très « chargée » idéologiquement, non plus que ma réponse, toute en sobriété.
Suzanne
27 septembre, 2010 à 22:15
Bon bon bon, remplacer » vous n’avez pas ce travers déplaisant qu’ont bien des blogs de gauche extrême » par « vous n’avez pas ce travers déplaisant contrairement à bien des blogs de gauche extrême », voili.
« on fait pas des articles sur les autres blogs, sauf quand ils sont bien »
C’est ça, de subir l’affreuse influence de Didier Goux.
clomani
28 septembre, 2010 à 17:07
Salut à tous, j’ai mon portable et j’arrive donc à comprendre les questions posées par Windows, ce qui n’était pas le cas hieer…
Oui, il fait plutôt beau… je suis dans une station de la Macédoine -fin de saison-, station popu pour les gens de l’Eest, Polonais, Hongrois (pas rêver) etc. Il y a une grève générale dee 3 jours mais visiblement,ici, les commerçants commercent,toujours de mauvaise grace… on sentt qu’on les fait ch…
Sinon plage tous les jours, paas longtemps parce que le soleil tape tout de même un peu… moi je me réfugie à l’ombre après le bain et je me plonge dan sun bouquin sur le Rwanda/Congo du temps de Kabila père et kabila-fils… avec les tensions programmées par l »appétit des Tutsis rwandais pour les réserves du Congo… intéressant.
Sinon un bonjour de mer Egée pour tous.