Un film (2H20) à voir quand on a le moral… mais à voir.
Avant de vous parler du film, il faut que je vous avoue être une inconditionnelle d’Inarritu. « 21 grams« avait été une révélation, « Babel« a ensuite été une confirmation : Inarritu sait vous scotcher sur votre fauteuil de cinoche, en posant la responsabilité d’un être humain vivant, en mettant en scènes ces vies difficiles d’anti-héros, ces périodes où on se sent « de plomb » et où on voudrait sortir du tunnel pour se sentir léger comme une plume. Et en trouvant des lieux ad hoc. Je me souviendrai longtemps du plan qui m’a plombé le moral (dans « 21 Grams ») : on y voit Sean Penn agonisant sur les bords d’une piscine désaffectée, remplie de détritus… dans une zone quasi désertique de bordure de ville aux USA.
Pour « Biutiful », si mes souvenirs sont bons, le réalisateur a changé de scénariste. Il a par la même occasion posé le film en Espagne. Barcelone, la Barcelone des bas-fonds qui pique quelquefois la vedette à Javier Bardem. Entre autres un plan de tombée du jour sur la Sagrada Familia au loin, entourée de 5 grues, qui tendent toutes leurs sommets pointus bien haut sur fond de ciel rosissant… mmmmh. Des plages jonchées de cadavres, des immeubles délabrés, graffités, des terrains vagues, jusqu’au métro, Barcelone a sa part dans le film.
Javier Bardem, c’est Uxball, père de deux enfants, qui rame pour survivre dans cette Barcelone crasseuse, enfumée, noire, grise, interlope, moche et belle à la fois. Uxball a le cancer, prostate. Il n’a plus que quelques mois à vivre et il se débat, habitué qu’il est à ramer pour survivre. Pour ce faire, il gagne sa vie en traficotant avec des Chinois fournisseurs de main d’œuvre pour que dalle, en faisant le go-between entre des Sénégalais vendeurs à la sauvette, sans papiers, et les flics pourris qui ferment les yeux. Toutefois, il a une conscience, il est préoccupé par les autres, qu’ils soient Chinois ou Sénégalais, hommes, femmes ou enfants.
Tout au long du film, Uxball est confronté à sa responsabilité, au sentiment de responsabilité. Pendant que les Chinois parlent fric et exploitent des compatriotes, lui essaie de gérer les états d’âme de sa femme, bipolaire et ancienne alcoolique, le méli-mélo abominable des exploiteurs chinois, les exigences du flic pourri, la vente avec son frère de la tombe paternelle pour glaner un peu de fric … c’est trop pour lui… on le suit dans ses allées et venues dans cette Barcelone terriblement sale… dans des appartements sordides où il crève à petit feu, rêvant de son père, mort d’une pneumonie attrapée au Mexique après avoir fui les forces franquistes, dans une incroyable boîte de nuit qui honore les seins d’une curieuse façon (la séquence est complètement surréaliste !).
Plus le film avance, plus l’anti-héros s’épuise, s’affaiblit en s’approchant de la mort et plus Bardem devient christique… On sent qu’il ne lutte plus contre la maladie. Il se débat en revanche pour ceux qu’il aime, pour passer le relai à ses enfants, il met ses dernières forces pour essayer de reconstruire une image bien écornée par son aide aux trafiquants d’esclaves chinois, pour que les êtres humains soient traités comme tels et non comme des animaux.
Comme toujours chez Inarritu, il y a une certaine « rédemption » (n’oublions pas qu’il est mexicain) puisque le héros meurt un peu plus apaisé parce qu’il n’a pas failli à sa responsabilité. Pour moi, dans chaque film (je n’ai pas vu « Amores perros »), le réalisateur mexicain traite de la responsabilité et de l’engagement… on est responsable des gens qu’on aime, de ceux qu’on croise un moment, même s’il est court… on s’engage pour eux, on meurt pour eux.
Quant à Bardem… Ovation ! Il a eu une palme pour ce rôle… entièrement méritée.
Je n’aurais qu’un reproche, un petit, cette façon dont Inarritu a « bouclé la boucle » en recollant les images du début pour finir le film. Une fois aurait largement suffi, d’autant qu’on comprend très vite la symbolique. C’est une manie chez Inarritu, de trop souligner… pardonnée en ce qui me concerne par sa mise en scène ébouriffante.
Un conseil tout de même, n’allez voir ce film que si vous avez le moral, parce qu’on en sort comme « lourd » de tristesse…
babelouest
28 octobre, 2010 à 6:20
C’est tellement bien raconté que… je ne sais pas si j’irai voir ce film. J’évite les œuvres trop pessimistes, ces temps-ci.
b.mode
28 octobre, 2010 à 8:07
Arf ! A aller voir après avoir avalé une boite d’euphorisants…
lediazec
28 octobre, 2010 à 8:47
Belle bafouille cinoche de Clo. Calibrage, récit, envie d’aller voir, après avoir fumé une dizaine de tarpets et que, totalement stone, le spectateur se croit en train de regarder « Chantons sous la pluie ». Oui, je sais que ce monde n’est pas joyeux-joyeux, qu’il faut sans cesse dénoncer ce qui ne va pas, mais sans le plaisir et la force de vivre, la vie n’est rien…

Bon, la critique est assez bonne pour que j’aille voir ce film crépusculaire, après quoi, j’irai me faire masser chez des thaïlandais pour assouplir les cervicales.
Je condamne Clomani à nous livrer, la prochaine fois, une chronique romantique sur la joie de vivre
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b.mode
28 octobre, 2010 à 8:49
Ouais, vivement la critique par Clo de Mon curé chez les nudistes !
lediazec
28 octobre, 2010 à 9:02
Ou coup de foudre à Notting Hill, avec Julia Roberts et Hugh Grant !
Dis-moi Bernard, pourrais-tu me filer le lien smyleis, j’ai perdu le mien avec le bug informatique ?
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b.mode
28 octobre, 2010 à 9:06
Voilou !
http://theme.unblog.fr/2008/11/01/emoticones/
lediazec
28 octobre, 2010 à 9:15
Merci Bernard !
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clomani
28 octobre, 2010 à 9:55
Vous n’allez tout de même pas me forcer à aller voir euh… voyons voir… quelle merde pourrais-je choisir dans les dernières sorties ? Ah, j’ai vu qu’il allait sortir une suite de « mon beau-père et moi », vous savez, le beau-père rital (de Niro) qui a du mal à supporter son futur gendre Furniquet, israélite ?
J’avais un gros mépris pour ce genre de film mais j’en ai vu un dans un avion de retour du Mexique ou des States, un peu contrainte et forcée… et ça m’a bien fait rigoler.
Donc promis-juré, vous allez avoir une contribution rigolotte ;o)).
lapecnaude
28 octobre, 2010 à 16:19
La misère … Hugo l’écrivait, maintenant on la filme, on la met en scène, on la glorifie pour que des plus chanceux aient le plaisir d’aller pleurnicher confortablement assis dans leur fauteuil, dans des salles climatisées et en sortir pour aller se remplir la panse en se disant, « oui, la misère, c’est triste … »
Quand elle est bien mixée elle peut servir de leçon, de thème de refléxion lors d’un débat aseptisé devant une caméra de grande chaîne de télévision, mais le plus souvent, elle est discrète, elle se cache, elle se traine dans un coin obscur pour y crever à l’abri des regards indiscrets et impudiques des nantis.
lapecnaude
28 octobre, 2010 à 16:26
Qu’est-ce qui se passe sur ce blog ?
babelouest
28 octobre, 2010 à 16:33
La Pecnaude, à mon avis il y a gros temps chez Bernard…..
clomani
28 octobre, 2010 à 16:51
Pecnaude, Inarritu connaît la misère, parce qu’il est né au Mexique… et dieu sait s’il y a de la misère dans ce pays et qu’elle y est visible à l’oeil nu.
Si Hugo a écrit la misère, pourquoi ne pas la rendre en film ? Je ne comprends pas ta réflexion là… le cinéma est un art, une sorte d’écriture. Certes, quelques riches ont dû avoir du mal lorsqu’il a été projeté à Cannes lors de la compétition… ils n’avaient pas payé leur place et ils ont dû avoir quelques petits chocs, ou des petites émotions.
Mais je ne crois pas du tout que le cinéma s’adresse aux riches qui ont besoin de mater la misère. Surtout pas ce cinéma-là.
b.mode
28 octobre, 2010 à 17:11
Pour la bouffe, vous voyez directement avec Christophe, parce que là j’en ai marre des quiproquos ! 3o novembre 2010 à midi et demi, ça va ou pas ?
Babel, pour la mise en page, juste un essai avorté !
clomani
28 octobre, 2010 à 17:26
Donc sans moi… pas grave.
b.mode
28 octobre, 2010 à 17:30
Bah nan, c’est juste pour que le max de gens soit là mais sois clair et propose une date :
clomani
28 octobre, 2010 à 17:56
J’avais suggéré le samedi 20 novembre avec un train qui part à 17h… puisque Christophe ne peut visiblement que le samedi. Ceci dit, on peut se faire une bouffe dans un restau nantais le vendredi 19 aussi… je ne suis prise que le jeudi soir pour l’A.G. !
Pour le ouikende qui vient, c’est trop juste… Quant à après… difficile de planifier…
b.mode
28 octobre, 2010 à 18:05
Mea culpa ! ok j’ai du me planter entre les différentes coms ! Bref le 20 novembre ça me va ? quid de christophe et de babel ? et des autres ?
lapecnaude
28 octobre, 2010 à 18:28
Je reviens du garage, mon pot a cassé, inutile de vous dire que je ne passais pas inapperçue !
Pour un restau en semaine, je suis d’accord, IL N’Y A PAS DE TRAIN LE SAMEDI ET LE DIMANCHE.
Clomani, je ne critique pas le fait que l’on décrive la misère par le travers de l’art, au contraire, mais je constate qu’on va la chercher au loin alors qu’on pourrait la voir par ici. Sûr que c’est mieux l’exotisme. Sûr qu’un film comme cela ne va avoir pour effet, sur les nantis, que la possibilité d’aller gloser chez Matteï, pas sûr que cela remonte le moral de ceux qui souffrent de cette misère. Néanmoins il faut en témoigner par écrit, par filmographie ou tout autre supports … sais pas si cela fera changer les choses.
clomani
28 octobre, 2010 à 18:41
Certes, Françoise… La misère, je l’ai vue pas plus tard que ce matin dans le métro où un mec, sans travail, est entré, et a fait un petit discours pour qu’on lui donne kèkchose… il était si honteux que sa voix ne couvrait pas le bruit du métro et qu’on n’entendait rien. A peine sorti du wagon, une SDF maghrébine énervée est entrée et elle nous a tous insultés, on était des sales cons de racistes, et d’autres choses… Je la vois tous les jours à tous les coins de mon quartier.
M’étonnerait que Taddéi (pas Mattei) invite des critiques pour parler de Biutiful…
Et pour parler de moi une fois de plus, certains films m’ont fait changer… m’ont rendue plus gentille (comme « le baiser de la femme araignée », un film brésilien que je n’arrive pas à trouver en DVD). C’est aussi l’histoire d’une rédemption !
Je dois avoir un fond légèrement catho ;o))
lapecnaude
28 octobre, 2010 à 19:17
Tu t’en-GOUes ????
babelouest
28 octobre, 2010 à 19:52
Oui, al’ est engouaille… un Pineau, et c’est reparti ! (nan, pas LE Pineau PPR, nan).
Clo, je peux aussi bien le 18, le 19, que le 20, pas le 21, mais le 30. Si ti veux ti choises….
clomani
28 octobre, 2010 à 20:04
Aaaaaargh, surtout pas, chère Pecnaude ;o)) !
Je redoute le Pineau (niark niark)… sinon bon, alors on se voit le 19 en tête à tête si tu veux et le 20 si Christophe est OK ?
J’te propose pas qu’on se voie samedi ou dimanche, on va cavaler comme des fous…
babelouest
28 octobre, 2010 à 20:14
D’ac pour le 19, Clo.
clarky
28 octobre, 2010 à 22:48
faut que tu vois les amours chiennes, encore mieux que babel qui m’a laissé un peu sur ma faim, effet brad pitt je suppose…
quant à 21 grammes, je devais les avoir dans le sang lorsque je l’ai vu, jen suis ressorti groggy, putain de bon film.
j’aime le cinoche de inarritu, j’attendrai la sortie dvd de ce biutiful biscotte je fous plus les pieds au cinoche, choix personnel !
et puis, vu qu’on est dans le film chorale, j’ai également un petit faible pour le collision de haggis, quand on sait d’où il vient avec arnold et willy
putain, ce soir je me suis fait un petit plaisir, j’ai revu pour la énième fois marche à l’ombre et je rigole toujours autant, c’est ça aimer le cinoche, ne pas trop être élitiste biscotte c’est avant tout un plaisir et non pas une séance de sociologie ou de questionnement à te bouffer le cerveau, même si parfois ça te remue
clomani
29 octobre, 2010 à 16:44
Un p’tit bout de concert de Manu Chao à Barcelone… avec une petite rumba sympa à la fin, pour remonter un peu le moral…
http://fr.truveo.com/video-detail/manu-chao-live-desaparecido-and-rumba-de-barcelona-baionarena/3086971568
lapecnaude
30 octobre, 2010 à 19:45
Superbe Clo, j’en ai encore des paillettes dans les yeux et le coeur !
claude
3 novembre, 2010 à 15:15
Une description très intéressante qui donne vraiment envie de le voir
je vais donc m’empresser de le regarder
merci!