Il se trouve que le 1°décembre est la ‘journée nationale VIH/Sida’.
Il y a foultitude de journées nationales de ‘ceci cela’, toutes respectables, toutes dignes donc, d’être étendues à 365 jours de respect par an… et il y en a bien plus que 365 ‘causes’ !
L’objet de ce billet est bien lié plus à la mémoire de mon ami Jacques, associée à la lutte contre le fléau du VIH/Sida, bien sûr.
Jacques me fut un grand ami, il y a 50 ans, au service militaire en Allemagne. Nous nous sommes connus fin 1960 ‘dans la chambrée’ comme amateurs de poésie, bientôt comme poètes, et avons eu des différents (gravisismes, un court temps !) car il aimait Mallarmé et moi Michaux… ! Ouf, on se réconcilia via Apollinaire. Et surtout on ‘draguait’ ensemble (et en uniforme !) dans des bistrots d’Heidelberg (entre autres). C’est ainsi qu’il s’est fiancé avec une belle allemande et, peu rancunier (ni elle, que j’avais tant désiré…) je fus invité à leurs noces en 1963 à Hambourg… où je fis connaissance très intime de la sœur de la mariée : ce bonheur imprévu me permit de me lancer dans un premier reportage photographique sur Hambourg (le petit dossier que j’en garde aujourd’hui me semble toujours très bon !). Merci Jacques…
Vers 1965, Jacques vint me rendre visite à Paris, je l’hébergeais même – faute de mieux et en toute fraternité – dans mon lit, avec moi, sous le toit de ma mansarde. Mais, plus grave que nos divergences poétiques d’hier, nous avions des divergences politiques : j’avais, beaucoup plus que lui, vécu douloureusement la Guerre d’Algérie et, de fil en aiguille, m’engageais – via le soutien à la lutte si héroïque du peuple vietnamien contre l’impérialisme américain – à devenir ‘communiste’, sans encore trop savoir choisir entre Castro, Trotsky, Mao (ce fut Mao…).
Près de trente ans plus tard, un coup de téléphone de Jacques ! (nous nous étions depuis longtemps perdus de vue mais il a retrouvé mes coordonnées). Il me demande tout simplement de le recevoir peu après. ‘D’accord !’
Le soir convenu, je l’attends, face à un ‘plat d’ami’ (c’est rare que j’en fasse) jusqu’à ‘point d’heure’… et ce n’est que le lendemain midi il arrive enfin :
‘Hier soir je me suis arrêté dans une boite de nuit en sortant de la gare, me suis saoulé et j’ai payé une nuit d’hôtel à une entraîneuse que j’ai saoulé. J’avais peur de te revoir, je suis con. Et je suis fauché, maintenant !’… Bon, Jacques, on va aller se promener, marcher, marcher, parler, rencontrer des amis !…Ok !
Le surlendemain, on trouve la solution : avec ma vieille guimbarde je le ramène chez lui à Dieppe, il me rembourse les avances et m’offre une superbe aquarelle (que j’ai toujours en place d’honneur) puisqu’il est devenu peintre après avoir abandonné la poésie… Mais j’ai bien constaté, surtout, qu’il est très malade…
Un an plus tard, une de ses amies de Dieppe m’apprend que Jacques s’est suicidé, à cause de son sida secret. Le choc. L’idée m’en était venue, mais il l’avait niée… Et je reste encore stupéfait, indigné, qu’il ait osé coucher avec une fille, bourrée comme lui, en arrivant à Saint-Nazaire… Son amie de Dieppe m’informera que ce ne fut pas du tout une exception, et toujours sans capote !
La honte ! Le crime !
Voila une raison intime – il y a d’autres raisons plus générales – de participer à la campagne de Sidaction… D’autant plus que l’on s’habitue bien trop à cette plaie !
lediazec
1 décembre, 2010 à 21:03
Puisque c’est la journée sidaction, Rumi ne pouvait pas rester silencieux sur ce coup. Témoignage (glauque) de Rémi, dont le copain… Non, merci, trop peu pour moi, ce Jacques-là !
Dernière publication sur Kreizarmor : Place Vendôme, haut lieu de l'indécence
babelouest
1 décembre, 2010 à 21:56
Sortez couverts, amis ! Le VIH vous aime mieux que vous ne l’aimez, d’où quelques conflits parfois, où malheureusement c’est généralement lui qui gagne. Costaud, le salaud !
lapecnaude
1 décembre, 2010 à 23:58
Il faut bien du courage pour raconter cette amitié, car il était quand même ton ami. La maladie transforme les être jusqu’à des sommets indéchiffrables, les rends faibles et lâches et aussi haineux envers leurs prochains…
Mais que dire des lobbys pharmaceutiques qui s’opposent à ce que les trithérapies soient produites à moindre coût dans les pays pauvres et si handicapés par cette maladie ?
Que dire des pays riches du Nord qui disent « aider » les pays pauvres et ne font rien pour en soulager les malades ? Ce n’est pas en donnant de l’argent aux dirigeants, en soutenant les dictateurs que l’on va soigner et … nourrir.
Cette maladie est pour certains « de la race des seigneurs » une autre façon de génocider ceux qu’ils n’aiment pas et qu’ils ne veulent pas dans leur pays !!
lapecnaude
2 décembre, 2010 à 0:30
http://larepubliquedupeuple.over-blog.com/
Pour Bernard, un florilège des bourdes sarkosiennes ….
Rémi Begouen
2 décembre, 2010 à 8:02
Je ne découvre que ce matin que cet article a été publié hier soir, merci les amis…
Ldiazec – on dit qu’on ne choisit pas sa famille, mais on choisit ses amis : je comprends que tu ne veuilles pas d’un ‘ami glauque’ comme Jacques. Mais, dans la vie, c’est toujours assez compliqué. Je gardais d’excellents souvenirs de Jacques, j’avais senti, à son contact téléphonique, qu’il était en détresse (‘tout le monde me laisse tomber, etc.’)… et nous nous étions déja entre-aidés plusieurs fois. D’où mon invitation chez moi. Il était assez piteux (‘j’s'suis con’…) et je lui ai remonté le moral. Lui faisant rencontrer notamment Pascal et Jean-Phi, mes potes-poètes de notre émission ‘Etc. et j’en oublie’… Puis le ramenant chez lui, où il fut heureux de me faire découvrir son ‘univers’, notamment ses belles aquarelles…
Je ne connaissais pas (et ne connais toujours pas) la femme qui m’a appris son suicide et son sida. Elle se présentait comme ‘l’une des grandes amoureuses non repenties’ de Jacques. Et c’est vrai qu’il était séducteur, en plus d’être vif, cultivé, intellignet, drôle… ce qui n’empêche pas la saloperie de baiser sans capote!!! Elle m’expédia un volumineux dossier de ses poèmes et de nos échanges épistolaires d’autrefois : je n’ai fait que vaguement parcourir cela, tant je fus déçu, dégoûté de son lâche comportement. Mais c’est ainsi : il est hélas toujours possible que n’importe qui ‘de sympa’ se révèle un jour secrètement lâche ; c’est à méditer, sur la faiblesse de la condition humaine…
clomani
2 décembre, 2010 à 8:10
Le SIDA ? Au milieu des années 80, j’étais en première ligne de ce fichu virus : je travaillais à l’info, j’étais environnée d’homosexuels et j’avais une vie sexuelle plutôt tapageuse… les mecs défilaient chez moi avec une vitesse grand V ! Pourtant, je lisais tous ces articles sur la maladie avec une belle indifférence… ça touchait les Américains, les homosexuels… J’organisais de super fiestas, surtout avec des homos parce qu’ils savaient s’amuser… Puis il y eu le suicide de Jean, après une courte dépression dont il s’affirmait débarrassé ! Une balle dans la bouche alors que je l’avais vu quelques jours avant et qu’il me parlait d’avenir. Après coup, il m’est revenu qu’il fréquentait les « saunas » et qu’il avait peut-être contracté le virus. Comme c’était un être extrêmement fragile et isolé, il n’en a pas parlé. Un deuxième ami se suicida, lui dans la cuisine de son restaurant, pendu ! Pareil. Il avait découvert sa séropositivité et ne voulait pas se voir dégrader… Il était gay, beau mec, son restaurant marchait bien mais voilà !
J’ai remarqué que le chômage a suivi la même progression que le SIDA dans les mêmes années. Dans les années 90, ce fut le frère de ma meilleure amie, puis un autre copain. Une collègue l’avait contracté en se droguant. Ensuite, ce fut Mariano, mon pote vénézuélien. Gay aussi. Rencontré à Paris, il connaissait mieux l’histoire de France que moi. Il faisait des études d’agronomie. Puis il est retourné à Caracas, où je suis allée deux fois en vacances, chez lui.
Nous avons même partagé le même lit. Puis, silence radio. Je laissais des messages sur son répondeur, il ne me rappelait pas. Puis je n’ai plus eu de répondeur. J’ai donc appelé chez sa mère, où j’ai eu sa soeur… incapable de m’expliquer car je ne parlais pas espagnol à l’époque, elle m’a renvoyée sur Sonia, l’amie de Mariano partie s’établir en Floride. Ce fut Sonia qui m’expliqua que Mariano était mort du SIDA, son ex avant lui, et que ça avait été l’hécatombe dans tout le cercle d’amis vénézuéliens !
Du coup, je suis allée passer le test. Ce fut éprouvant… le résultat négatif me fit relâcher mon attention ! Parce que c’est si facile d’oublier les préservatifs ! De se dire qu’on peut faire confiance. Je l’ai repassé une seconde fois, négatif aussi. Ce qui ne m’a pas empêchée d’oublier assez vite la capote ensuite…
J’ai eu la chance de passer entre les gouttes… Mais il y a 2 ans, en vacances au Liban, j’ai fait la rencontre d’un citoyen british d’origine yéménite ayant vécu à New York. Il était évident qu’il était gay, je l’ai décerné au 1er coup d’oeil. Nous avons tout de suite sympathisé et fini nos vacances ensemble. Il a fini par me dire qu’il était séropositif et soigné à la trithérapie depuis 20 ans. Les contre-effets se produisaient après la prise de médoc le soir. Lorsque je suis allée le voir à Londres, il m’a fort gentiment reçue et s’est un peu plus livré. Il sortait de la visite annuelle chez son toubib. Il allait de mieux en mieux, lui avait-il dit ! Après ça, il m’a sorti « tu comprends comme c’est difficile ? Il y a 20 ans, ça m’a pris longtemps pour m’habituer à l’idée que j’allais mourir plus vite, plus jeune… je m’étais préparé. J’ai été viré de la BBC où je travaillais à cause de ça. J’en ai fait une dépression. Je touche une pension du gouvernement, mais voilà que je vais de mieux en mieux, que je n’ai pas de travail, et je m’ennuie tout seul. Mes soeurs ont fait des enfants, mes frères aussi et moi je ne peux pas. Entretemps, j’ai lu le Coran et je me suis converti. Et ça va mieux. » Maintenant, il est Chiite, il passe son temps à voyager dans les pays arabes. Là il part en Iran, certainement du côté de Kerbala.
Sinon, une réflexion entendu hier de la bouche du président d’AIDES, médecin ayant participé aux premières recherches sur le virus, qui dit qu’il a contracté le virus par négligence, malgré le fait qu’il ait été médecin et hyper averti. Qui dit que la maladie se développe en France, toujours par négligence. Que beaucoup de demandeurs d’asile vivant en France ne sont pas dépistés, pas soignés, ou carrément expulsés chez eux à cause de leur maladie s’ils se sont fait dépister… et que ça va empirer parce que des députés ont fait en sorte que ces réfugiés n’aient plus accès au moindre soin gratuit !
Il déplorait d’ailleurs que le SIDA soit la cause d’une seule journée… les media n’en parlant que le 1er décembre, c’est tout !
P… ! C’est grave non ?
b.mode
2 décembre, 2010 à 12:46
Triste histoire… ça me fait penser à ce réalisateur décédé du sida, Cyril Collard qui refusait de se protéger dans une sorte de désespérance ultime face à la mort…
lapecnaude
2 décembre, 2010 à 16:12
http://www.rue89.com/2010/12/02/les-prisonniers-toxicos-prives-de-seringues-steriles-177892
Sur rue 89 aujourd’hui, voilà comment le gouvenement lutte contre le sida et l’hépatite C
Rémi Begouen
2 décembre, 2010 à 17:50
Je reviens sur ton premier commentaire (de 23h58, hier). Il est très lucide, notamment sur le ‘fric donné aux dictateurs du Sud’, au lieu d’aider vraiment la lutte contre le VIH… Ton avis sur ‘la race des seigneurs’ qui génocide les pauvres noirs – si ‘proches des gorilles’, pour eux – il est hélas vrai : on l’entend, en version encore plus hypocrite, dans des discours de fondamentalistes chrétiens (‘châtiment de Dieu’ et autres conneries). Il y a même d’autres affabulations zarbies (d’extrème gauche) qui disent que le Sida a été introduit par empoisonnement venu des milieux capitalistes américains… et cela a été trop longtemps utilisé, déformé, pour nier en Afrique du Sud, longtemps, la réalité du Sida ou des remèdes de tri-thérapie contre lui…
Quant à ton avis sur ‘la maladie qui rend lâche’, etc., à propos de Jacques, tu as hélas tout à fait raison!!
J’ajoute que, depuis parution de cet article (d’ailleurs un peu bâclé sur la forme, parfois), je ne suis pas en forme : je viens d’en parler longuement à un jeune ami, sans lui faire mon texte : il arrive que l’on soit meilleur à l’oral, parceque l’on échange des propos, qu’à l’écrit, où l’on pisse sa copie, en toute mélancolie…
Rémi Begouen
2 décembre, 2010 à 17:51
Oubli : c’est à Lapecnaude que le mot çi-dessus s’adresse.
lapecnaude
3 décembre, 2010 à 0:41
Rémi, normal que tu n’aies pas la forme quand tu repenses à ton ami. Les reproches que tu te fais, en ton fort intérieur, ne se justifient que par ton ignorance de la détresse dans laquelle il se trouvait, et tu t’en culpabilise. Chaque malade réagit selon son caractère, et il faut être drôlement « burné » ou complètement fou pour ne pas avoir envie de se venger sur ceux qui sont « sains », qui ne sont pas condamnés (en fait nous le sommes tous, mais très peu l’acceptent). Les cathos disent « il faut tendre la joue gauche, il faut supporter en silence et offrir sa souffrance à Dieu pour le bonheur des autres …. quelle connerie, en quoi cela fait du bien aux autres de te sentir crever sans pouvoir rien faire ? Les musulmans disent « mektoub » ou « inch Allah », tu te souviens de cette sorte de résignation devant le pire ?
Toi, tu n’arrives pas à te résigner, tu combats, tu râles et tu l’as condamné pour avoir mal fait « intentionnellement ». Je pense qu’il était si désespéré qu’il s’est dit, puisque cela arrive à moi, pourquoi pas aux autres ? et qui a-t-il choisi ? sinon une réprouvée comme lui ?
Le sida, ce virus est intervenu sur terre selon deux hypothèses, soit une recherche « mauvaise », on cherche des tas de bidules en manière de guerre bactériologique et une fuite « intentionnelle ou pas » à pu se produire ; soit le virus existait depuis la nuit des temps « en dormance » et a été réveillé par les conditions favorables extérieures, le monde terrestre a tellement évolué et pas forcément en bien. De toutes façons, nous, de notre vivant, nous ne saurons pas ce qu’il en est.
Reste que le monde est dans une telle merde avec ce que les hommes ont créé : l’argent, qu’il faudra bien que cela explose d’une façon ou d’une autre et là je dirais volontiers « inch Allah ! »
En atendant continues ton bonhomme de chemin, l’espèce humaine a encore bien besoin d’hurluberlus qui ont envie de le refaire ce foutu monde, continues Rémi …
Rémi Begouen
3 décembre, 2010 à 18:55
Lapecnaude – Merci de ton billet ci-dessus, j’y reviens sur un point, de désaccord : Tu écris ‘qui a-t-il choisi, sinon une réprouvée comme lui?’ à propos de la pauvre entraineuse à qui il a fait l’amour sans capote. Mais là, non : il avait du fric, l’a dépensé à se saouler et lui payer l’hotel (+ ‘cadeau’). Ce n’est pas du tout entre ‘réprouvés’ qu’ils se sont rencontrés, mais bien entre client et pute, ce qui n’est pas une rencontre entre réprouvés. Entre malheureux, certes… Et Jacques m’avoua aussi que la dame s’était tirée le matin de l’hotel, après avoir ‘fait les poches’ du client endormi… : j’admets bien plus cette vilénie de la pauvre fille, que celle de mon ami…!