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Le voleur de lumière – film d’Aktan Arym Kubat

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120voleurdelumieredef1.jpgCe film sortira le 2 mars prochain, et si vous pouvez aller le voir à ce moment, n’hésitez pas une seconde parce qu’il va certainement passer inaperçu, hélas, dans la liste des distributions hebdomadaires de gros « blockbusters » américains ou de « comédies légères » à la française…

Le film est en kirghize et se passe au Kirghizstan, ancienne république soviétique devenue indépendante, située au fin fond des plaines de l’Asie Centrale. Le Kirghizstan est aussi appelé « le pays des montagnes célestes ». Son réalisateur est kirghize et joue le rôle principal de surcroît.

C’est l’histoire d’un électricien-bricolo qui vit dans un petit village aux pieds des montagnes kirghizes et qui travaille à vélo. Dans le village, il a acquis une certaine notoriété pour deux raisons. La première parce qu’il a un rêve : celui de construire des éoliennes un petit peu plus près des montagnes, là où il y a beaucoup de vent, permettant ainsi au villageois et aux environs d’avoir de l’électricité moins chère que celle venue d’ailleurs. La seconde parce qu’il aime rendre service aux pauvres qui n’ont pas assez d’argent pour payer leurs factures d’électricité… il va donc bricoler leurs compteurs, détourne l’électricité en grimpant aux poteaux  à l’aide de crampons en forme de croissant (de mon temps, les techniciens EDF en avaient aussi pour aller voir là-haut ce qu’il se passait… après on a eu des poteaux en béton, c’était moins sympa). Bref, l’électricien bricolo monte plus près du ciel grâce aux petits ailerons à pointes métalliques qu’il chausse, tel un  Hermès des steppes. Et les montagnes, là-bas au fond, surveillent placidement le va-et-viens de la plaine. Le vent, lui, balaie les feuilles des arbres sur les contreforts des montagnes, selon son gré.

« Voleur de lumière » puisque tel est son surnom a une femme et quatre filles. C’est son grand malheur : pas de garçon ! C’est qu’au Kirghizstan, visiblement, on n’est pas un homme si on n’a pas engendré de garçon. On apprend ce chagrin caché au cours d’une séquence où il revient d’un  « bouskachi » qui a eu lieu la veille, et dont la troisième mi-temps a semblé bien arrosée. Son meilleur copain; légèrement plus « moderne » et lui sont « pleins comme des outres » à tel point  qu’il abandonne sa bicyclette, pleure et s’endort brutalement après avoir demandé à son pote de faire un fils à sa femme ! Bref la belle cuite. C’est le cheval qui ramène les deux hommes à la maison  de son maître.

Hélas, dans le village, dirigé dignement par le maire et un conseil des anciens, règne aussi un caïd, qui roule en 4×4 et a ses gardes du corps. Il a une tête de turc (alors que notre héros a les traits mongoloïdes et porte, comme tous les anciens du village, un couvre-chef en feutrine) et véhicule une mentalité pourrie.

Tout le village sait qu’il veut transformer la belle plaine dont les feuillages d’arbres sont gentiment balayés par les vents, paysage ô combien enchanteur et enchanté, en ville bétonnée avec ses hôtels et surtout son centre commercial. Dans le village, rares sont ceux qui en veulent, de ce projet, surtout pas le maire, qui est alors éliminé.

Mais le corrompu à la tête de Turc va parvenir à son but, malgré la résistance des anciens, et surtout malgré celle du « voleur de lumière » qu’il a réussi à entraîner, par l’intermédiaire de son copain de beuverie devenu une larve depuis que sa femme l’a quitté. Ici, l’avancée de la mondialisation est montrée par l’intermédiaire de promoteurs chinois, invités par « tête de Turc » à participer à des agapes sous une yourte construite à dessein. C’est là que notre voleur de lumière va découvrir la mollesse de son ami, l’indécence des moeurs dissolues du corrupteur… et hélas ne pas en revenir puisqu’il sera tué par les « gros bras » du gros « mondialisateur ».

N’allez surtout pas imaginer que, parce que c’est un film d’un pays qui se termine en « stan », c’est un travail d’amateur ! Loin de là ! La photo est magnifique, les paysages fantastiques, les personnages joués à la perfection par des acteurs et des non-acteurs. Le réalisateur est un pro et ça se voit. L’école soviétique a fait des émules. Je me souviens d’un film de Kontchalovski tourné en Kirghizie il y a longtemps, appelé « le Premier Maître »… c’était quelque peu « à la gloire » des Soviets puisque cet instituteur allait alphabétiser les enfants des villages arriérés du pays. Mais c’était un très beau film, fait avec les moyens de la Kirghizie soviétique (mais aussi par un réalisateur de talent puisqu’il s’agit du frère de Mikhaïlkov, Andreï Kontchalovski).

C’est un film esthétique qui dénonce la mondialisation… dont on peut voir les méfaits là-bas, aux confins des frontières de la Chine riche et consumériste. Une petite perle venue des steppes de l’Asie Centrale…

Débrouillez-vous, mais ne ratez surtout pas ce film lors de sa sortie : il était sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes cette année.

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21 Commentaires

  1. Rémi Begouen

    21 décembre, 2010 à 3:22

    Merci, Clomani, de ce beau compte-rendu d’un film qui a l’air superbe, très émouvant ! J’essaierai de ne pas le louper au printemps !

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  2. babelouest

    21 décembre, 2010 à 4:41

    Oh oui, alors, merci Clo, c’est raconté sublimement, et nul doute que si ce film t’a touchée à ce point, c’est que ses qualités ne manquent pas !

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  3. babelouest

    21 décembre, 2010 à 6:27

    Un à parté : cette fois Agnès n’y est pas allée de main morte. Elle a annoncé crûment la couleur (et l’odeur) du régime auquel les français sont soumis (pas qu’eux) par un État européen parmi d’autres qui a mis sa menotte dans la « main invisible du Marché ».

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  4. Rémi Begouen

    21 décembre, 2010 à 8:58

    Ce qui semble émouvant dans ce film, c’est son ‘manque d’exotisme’ : je veux dire qu’au bout du trou-du-cul du monde comme ici et partout, il y a la même nature humaine, avec son idélisme et sa cruauté, selon les uns et les autres, voire en chacun…

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  5. clomani

    21 décembre, 2010 à 9:20

    Disons que l’exotisme est dans la séquence du « bouskachi »…
    Sinon je pense que le fait d’avoir été un état soviétique a nivelé les mentalités… et que la nomenklatura soviétique les a certainement préparées à l’arrivée de la corruption mondialisatrice.
    Un peu comme l’histoire des rasoirs à double lames ! Une qui tire sur le poil, l’autre qui le coupe !

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  6. b.mode

    21 décembre, 2010 à 9:46

    Tu l’as vu via Anaïs ?

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  7. clarky

    21 décembre, 2010 à 10:51

    c’est un remake des temps modernes ou bien ;)
    quand on parle vélo ça me fait inévitablement penser au voleur de bicyclette.

    s’il sort en dvd ça peut le faire, sinon tant pis pour moi, je ne fous plus les pieds dans une salle de cinoche, biscotte l’enfer c’est les autres…

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  8. b.mode

    21 décembre, 2010 à 12:58

    Dolphy et Mingus étaient quand même des fous furieux ! Vous avez dit Free jazz ?

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  9. clarky

    21 décembre, 2010 à 16:05

    tiens, amnesty international vient de me téléphoner, au départ je me suis dit que bernard avait une voix de gonzesse ou que j’avais loupé un épisode, ensuite quand elle a commencé à me parler de l’iran et la lapidation potentielle de la bonne femme, je me suis à nouveau dit tout connement « putain, elle va me demander des sous… »
    - z’auriez pas 50 euros pour soutenir amnesty
    - ben nan, je suis raide vu que j’ai donné pour handicap international, les chiens d’aveugle et la fondation de l’abbé pierre (tout est vrai, je peux produire les feuillets pour les déductions d’impôts :) ), et en plus ce matin j’ai filé 4 sacs de 100 litres de fringues pour une assoce istréennes « africas », alors vous arrivez après la bataille.
    bon, je lui ai pas dit que j’avais aussi pris un aller/retour pour nantes, faudrait pas non plus qu’on me jette la première pierre…

    une partie de moi commence à en avoir plein les fouilles d’être harcelée de longue pour faire un don, quand tu dis non t’as l »impression de passer pour un salaud fini ou un entubé de base, mais c’est pas parce que mon nom ressemble à celui d’enrico et que tous chantent
    « donnez donnez dodo-onnez, donnez donnez moi
    donnez donnez dodo-onnez, dieu vous le rendra »
    qu’il faut me la jouer mendiant de l’amour, et puis en plus je crois pas en dieu, alors je peux toujours attendre pour qu’il me donne quoi que ce soit :)

    ceci était un message à caractère purement désinformatif !

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  10. clomani

    21 décembre, 2010 à 17:40

    Tu remarqueras, Claeky, que je n’ai pas fait la quête pour qui que ce soit…Et je trouvre qu(Amnesty devrait se préoccuper aussi de la Côte d’Ivoire et de la Bielorussie où le président sortant a une fois de plus éré plébiscité à coups de bourrages d’urnes. Im semble que le Kirghistan soit une démocratie, difficilement mais bon, pas évident.
    Pis y’ebn a marre que ce soit l’Occident qui décide de la « pureté démocratique » ;o))
    Tu vas quand à Nantes?

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  11. b.mode

    21 décembre, 2010 à 17:43

    Là on fait la fiesta, les ruminants. ;)

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  12. clarky

    21 décembre, 2010 à 18:51

    vrai clo, ruminances étant à but non lucratif ;)
    perso, j’ai bien un truc qui se tend mais c’est pas le kirghi

    nantes c’est pour mars, le 18 exactement.

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  13. b.mode

    21 décembre, 2010 à 19:02

    Vous êtes tous conviés !!!

    Répondre

  14. babelouest

    21 décembre, 2010 à 19:13

    Argn argn on retient la date !

    Répondre

  15. b.mode

    21 décembre, 2010 à 19:27

    J’espère bien cher Jean Claude ! ;)

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  16. lediazec

    21 décembre, 2010 à 19:43

    Salut. Débordé en ce moment. J’ai la pêche. Tu excelle en critique cinoche, Clomani. Je mets de côté. Il ne faudrait pas oublier, en ce qui concerne les avant-premières, elles s’accumulent, de faire un rappel le moment venu. J’y retourne ! Bises à tous les copains. Quand je pense que je vais pouvoir embrasser copain Lolo au mois de mars, j’ai la larme à l’œil !!!

    Dernière publication sur Kreizarmor : Place Vendôme, haut lieu de l'indécence

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  17. lapecnaude

    21 décembre, 2010 à 19:45

    Coco a envie de faire une réunion de ruminants dans notre coin, avec hébergement bien sûr ! ce serait pour le début de l’été ou durant le printemps (un moment de vacances scolaires en tous cas). Qu’en pensez-vous ?

    Répondre

  18. clomani

    21 décembre, 2010 à 20:19

    Le 18, je serai nantaise normalement, puisque je dépénage au milieu du mois…
    Pis moi j’aurais à pendre la crémaillère en plus ! (s’il me reste des sous pour acheter assiettes etc… car je laisse tout le vieux binz à Paname).

    Répondre

  19. clarky

    21 décembre, 2010 à 22:07

    z’excitez pas trop tout de même, je suis un type tout ce qu’il y a de plus ordinaire, même si ce que j’écris donne l’impression que je carbure au super sans plomb dans la tronche ;)
    rodo, le plus ému des 2 ce sera certainement moi.

    Répondre

  20. Rémi Begouen

    22 décembre, 2010 à 8:22

    Clomani – Te biles pas pour les assiettes etc. : des assiettes en carton et des ustensiles en plastoc feront l’affaire !!

    Répondre

  21. Irène

    23 décembre, 2010 à 20:58

    Et juste après la fin de l’ère soviétique, le même Nikita Mikhalkov avait tourné Urga, un film aux thèmes proches de Voleur de lumière (qui donne, au passage, diablement envie de prendre le chemin d’une salle obscure). C’était aussi d’une beauté à couper le souffle, sauf que celui-là était tourné en Mongolie, et que les promoteurs qui voulaient transformer la plaine verdoyante du début en sinistre zone industrielle étaient chinois.

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