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D’Europe N°1 à Antenne 2

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elkabbach.jpgAprès l’élection de Giscard, la petite bande que nous étions a continué à travailler dans l’ambiance qui avait précédé l’élection. Rien n’a considérablement changé dans l’immédiat.
En revanche, dès la rentrée de septembre, il est apparu que l’équipe qui manageait Europe N°1 démissionnait. L’Etat (par l’intermédiaire de la SOFIRAD dirigée de main de maître par Denis Baudouin) devenait majoritaire au sein de la station. Suite aux démissions de Siegel, Gorini et Leroy, il y eut des assemblées générales, des négociations, et les délégués syndicaux obtinrent que tout le personnel de la station puisse jouer de la « clause de confiance » (si mes souvenirs sont bons) et partir avec des indemnités de licenciement proportionnelles au salaire.

Bizarrement, je ne me souviens pas avoir vu ou assisté à des adieux de la part des patrons… Mougeotte avait pris la relève. C’est lui qui présidait (avec Floirat) la petite fiesta organisée pour les Catherinettes, au cours de laquelle on me remit des fleurs et un cadeau d’une valeur de 500 F. Il n’y avait pas une super ambiance et nous n’avons pas traîné dans le bureau de Siegel, le soir après la fête.

Mougeotte m’a proposé de devenir sa secrétaire mais j’ai décliné l’offre parce que mon patron m’avait proposé de le suivre à la télé. Je n’ai pas eu à réfléchir longtemps avant de me décider. J’avais « fait le tour » de la radio, j’étais impatiente de découvrir l’univers de l’ex-ORTF. De surcroît, j’avais une somme rondelette d’argent, ce qui m’a permis de m’acheter un billet d’avion Paris-Beyrouth aller-retour pour les fêtes. J’y rejoignais mon copain et nous avons fait le tour du Liban et de la Syrie pendant les fêtes.

En janvier, Leroy m’invita à le rejoindre dans un des immeubles loués par l’ORTF, avenue de Matignon ! Alors que l’Etat devenait majoritaire à Europe 1, l’ORTF avait été « éclaté » en plusieurs unités : TF1, Antenne 2, France 3, la Société Française de Production, Télé-Diffusion de France et l’INA et enfin Radio-France pour les radios.

Les nouvelles chaînes s’organisaient, visiblement pas rapidement, si bien qu’on me « planqua » au secrétariat du directeur général de la chaîne (ancien responsable du secteur film et coproductions), qui occupait encore ses anciens bureaux.

Mon arrivée dans ces locaux très cossus m’a marquée : des portes capitonnées se déroulaient au long des couloirs. A chaque étage, on trouvait un « planton » qui s’occupait de recevoir les visiteurs et de distribuer le courrier pour les directeurs de l’étage. Tout était très feutré et vieillot. Je partageais le bureau avec la secrétaire du futur D.G. : X. L. ! Elle arrivait toujours assez tard, en minaudant, allait s’enfermer immédiatement dans le bureau de son patron et en ressortait bien plus tard l’air un peu émoustillé… une fois, elle m’a demandé « est-ce qu’on entend ce qui se passe de l’autre côté ? » de façon si appuyée que j’ai fini par comprendre qu’elle voulait m’informer de ne pas toucher à son boss.

Je ne le savais pas, mais j’avais été propulsée dans l’univers de la « promotion canapé », des gens payés à ne pas faire grand chose, gardés pour leur ancienneté… Je me souviens avoir été un peu gênée d’avoir si peu à faire.

Après un mois, j’ai atterri avec mon patron au 6e étage de Cognacq-Jay. C’est là qu’était la rédaction d’Antenne 2. Il était directeur-adjoint de l’information. Je partageais mon bureau avec l’assistante de Jacques Sallebert, le Directeur. Mon boss avait dans son bureau une espèce de mini-standard téléphonique d’où on pouvait joindre la direction, probablement l’Elysée et Matignon directement (du secrétariat, il n’y avait qu’à faire un numéro à 4 chiffres et pour l’Elysée et pour Matignon). Mon patron héritait du bureau d’Elkabbach qui venait de partir.

Dès mon arrivée, toutes les autres secrétaires m’ont fait la gueule sauf Brigitte de S. ma collègue de bureau. J’étais mieux payée qu’elles. Mon patron m’avait obtenu un salaire identique à celui que j’avais à Europe 1. Du coup, Brigitte, qui avait de l’expérience dans la maison, avait vu son salaire augmenté indirectement grâce à moi. J’avais des contrats de « conseiller audiovisuel ».

Je travaillais de 9h du matin à 9h du soir. Et j’ai eu une sacrée chance de tomber sur Brigitte. Dès le second soir, elle m’a emmenée partout dans ce labyrinthe qu’était Cognacq-Jay. Au 5e, il y avait la rédaction de TF1. Les studios étaient au rez-de-chaussée.

Brigitte m’a montré les studios, les régies, m’a expliqué la technique, comment tout ça fonctionnait, les laboratoires où la pellicule de retour des reportages était développée, les salles de montage, de mixage, tout ! Je lui serais éternellement reconnaissante de m’avoir initiée à tous ces à-côtés techniques.

Mon patron, lui, n’eut pas cette chance si bien qu’il a vite été dépassé. Il m’a un jour fait une réflexion désagréable qui prouvait sa méconnaissance de la vidéo. J’ai haussé les épaules et lui ai mis le nez dans sa m… Pour faire des reproches aux autres, il faut savoir de quoi on parle. Il ne le savait visiblement pas.

A part Brigitte qui était vraiment une jeune femme agréable, je trouvais l’ambiance détestable. Pas de rigolades… des journalistes qui venaient me draguer pour avoir rendez-vous avec mon patron, des sourires par devant et des méchancetés par derrière, la tronche des autres nanas. Je faisais les compte-rendu des conférences prévisions (voir le blog clo de la télé où j’en parle). Europe N° 1 était vraiment oubliée, rangée au sein des bons souvenirs et du travail agréable. La bande de copains avait éclaté, Pascal ayant suivi Siegel à VSD, Dudu ayant monté sa boîte…

A Cognacq, je suis assez vite devenue copine avec les « artistes » du 3e étage de l’immeuble : les gens de la déco. C’étaient des farfelus créatifs qui aimaient la B.D. comme moi et qui savaient rigoler. C’était un peu mon refuge quand j’en avais marre de l’ambiance « magouille » du 6e étage. Les secrétaires passaient leur temps à cancaner dans les couloirs, et je détestais ça. Je n’étais pas heureuse.

J’ai donc cherché du boulot ailleurs… et j’en ai trouvé, chez un éditeur. Il me fallait être disponible très vite pour aller à la foire aux livres de Francfort. Le lendemain, je demandai à Leroy s’il me laissait partir un mois plus tôt que le préavis l’exigeait. Ca ne lui a pas plu du tout. Il a réservé sa réponse. J’ai attendu, attendu et n’en pouvant plus, je l’ai coincé dans son bureau. Il a refusé de me laisser partir plus tôt ! J’étais très en colère et ça a dû se voir. J’ai appelé l’éditeur pour lui annoncer le niet de mon patron. Je n’avais plus la « niaque ».

Leroy m’a alors adjoint une jeune fille très timide, « pour m’aider« . La pauvre venait me chercher lorsque j’étais aux toilettes et qu’il fallait appeler un conseiller de Matignon ou un directeur. Leroy me disait « mais faites-lui faire quelque chose« . Alors je lui ai donné à faire le classement car je détestais ça.

Bref, l’ambiance n’était pas à la joie. Mon patron est parti en vacances et à son retour, j’ai appris qu’il était viré. Il avait tenu 9 mois ! Sallebert est parti un peu plus tard. C’est Elkabbach qui l’a remplacé. A mon retour de vacances (j’avais claqué mes derniers francs d’indemnités d’Europe 1 au Brésil), sa secrétaire avait vidé mes tiroirs devant le bureau, dans le couloir ! Leroy m’avait demandé si je voulais le suivre (dans la pub). Je lui avais répondu « non, j’en ai marre d’être la secrétaire de… je veux être moi-même« .

C’est J.M. Cavada qui a fait l’intérim et récupéré le bureau de mon patron et sa secrétaire s’est cassé la jambe le jour de sa nomination. J’ai donc joué les « bouche-trou » pour Cavada qui m’expliquait « dans secrétaire, il y a secret… votre cahier des communications est toujours ouvert, fermez-le« . Deux mois plus tard, Elkabbach arrivait comme patron. Cavada avait lancé un magazine et débauché Brigitte. J’ai dû aller voir Elkabbach pour savoir où j’allais atterrir. Ce fut un entretien des plus houleux. Ca se passait dans mon ancien bureau, deux ou trois personnes étaient présentes et j’ai gardé de ce moment un souvenir « rouge ». Nos échanges ont été très agressifs et j’ai eu envie de l’étrangler. Comme je refusais ce qu’il me proposait, il a pris la tangente en me disant « faites-moi une note sur ce que vous voulez« . Ce que je fis… qui resta sans réponse.

Depuis ce jour, et pendant au moins vingt ans, j’ai sans arrêt cherché à sortir de ce « fonctionnariat » dans lequel je me sentais si peu à ma place.

Je n’ai jamais aimé cet univers… et il me l’a bien rendu.

Fort heureusement, j’en suis sortie (par la retraite) ! Quelle carrière !

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16 Commentaires

  1. b.mode

    24 décembre, 2010 à 3:10

    En lien, entre autres, Siegel évoque son éviction avec un Pivot jeune. Merci Clo pour ces souvenirs du paf ! ;)

    Répondre

  2. clomani

    24 décembre, 2010 à 9:36

    Alors là, Bernard, merci pour cette vidéo de Siegel chez Pivot ! J’avais oublié qu’il était l’auteur d’un livre. J’avais aussi oublié l’histoire du « persiflage »… J’aime bien ce qu’il dit sur les hommes politiques (en glissant sur le mot « crocodile » pour parler du marigot politique).
    Le pauvre, il doit se retourner dans sa tombe, en même temps que Desgraupes… Parce que Desgraupes s’est, lui aussi, fait lourder d’Antenne 2 pour persiflage, dans les années 80 !

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  3. b.mode

    24 décembre, 2010 à 10:06

    Je savais que ça te ferait plaisir. ET Sallebert, il était sympa ? c’était la star de l’époque, non ?

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  4. clomani

    24 décembre, 2010 à 10:41

    Antenne 2 était une grosse boîte… A Europe 1, on finissait par tous se connaître. La télé, c’était un vieux machin déjà, même si c’était les débuts des chaînes. On n’avait pratiquement pas de rapports avec la hiérarchie qui était toute calfeutrée derrière des portes capitonnées. Ca m’a rappelé mon court séjour chez les Suisses-Allemands où la hiérarchie était inaccessible pour la valetaille que nous étions. Sallebert, il passait en coup de vent mais son bureau était relié à celui de mon patron par une porte. Il y avait aussi Danièle Breem, la célèbre journaliste politique, qui était assez sympa avec moi… Lorsqu’elle a dû déménager, elle voulait que ce soit moi qui m’occupe de son déménagement de bureau… J’ai aussi croisé France Roche, l’ex épouse de François Chalais (que je voyais, lui, à Europe 1 avec sa petite congaï vietnamienne). France m’appelait « Claudinette » (j’étais aussi grande qu’elle en plus !).
    Le problème, à la télé, c’est que les niouzes sont un état dans l’Etat. Dans les rédactions, il n’y avait de considération que pour les journalistes, si possible appartenant à la hiérarchie, ou alors ayant de bons appuis côté des politiques au pouvoir. Nous, secrétaires, assistants etc, n’étions que du menu fretin pas géré par la DRH. Je me souviens de mon patron (Leroy) montant comme une flèche dans les services administratifs de la rédac pour engueuler l’administrateur. Je venais de recevoir mon CDI et mon salaire avait baissé ! J’étais présente à l’engueulade, j’étais très gênée. Du coup, j’ai été recrutée avec un salaire de cadre dans une « grille de non cadres » et ça m’a poursuivi toute ma carrière. En fait je n’ai jamais trouvé ma place dans cette boîte… où on nous demandait avant tout d’être dociles, de ne pas obligatoirement être compétents. Trop « électron libre » pour rentrer dans les petites cases de l’administration audiovisuelle. En gros, j’ai l’impression d’avoir perdu des compétences à force d’être « bridée » !

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  5. b.mode

    24 décembre, 2010 à 10:46

    La Breem que de souvenirs ! je l’avais oubliée… Elle était gaulliste, nan ?

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  6. Rémi Begouen

    24 décembre, 2010 à 12:24

    J’avoue que je n’avais trop envie d’écouter John Lennon (Zique du jour) et j’avais tort : en contre-point puissant à sa zique bé-bête (volontairement, c’est sûr!), il offre un montage très dur de nos atrocités guerrières récentes (du XX° siècle, mais ce n’est guère mieux au XXI°). Très poignant…, merci John !

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  7. b.mode

    24 décembre, 2010 à 12:41

    Voir la tronche de kabbach sur ruminances la veille de noël, ça fait zarbi mais bon… ;)

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  8. lediazec

    24 décembre, 2010 à 13:30

    On y sent de la nostalgie, malgré tout. Aussi beau que les précédents, ce récit se présente comme un point final. Est-ce la fin ?…

    Dernière publication sur Kreizarmor : Place Vendôme, haut lieu de l'indécence

    Répondre

  9. b.mode

    24 décembre, 2010 à 13:31

    J’ai peur que oui, c’est dommage…

    Répondre

  10. clomani

    24 décembre, 2010 à 16:01

    J’aurais peut-être un ou deux emplois sympas sur lesquels déblatérer, pour Antenne 2… car mieux vaut oublier les mauvais souvenirs qui sont, hélas, nombreux !

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  11. cui cui fit l'oiseau

    24 décembre, 2010 à 16:27

    Bien clomani.

    Dommage que le feuilleton se termine… En tout cas la lecture aura été intéressante.

    @ B.mode

    Merci pour la phrase du jour. Cependant, elle a attiré vers moi ce raté de Didier Goux, l’homme qui est persuadé de posséder un talent fou. Rires.

    Il passe son temps à cracher sur les autres pour montrer qu’il existe…

    S’il ne pouvait répandre son fiel, que deviendrait ce pauvre Didier Goux ? Une sous merde ?

    Répondre

  12. lediazec

    24 décembre, 2010 à 16:57

    @ Cuicui. Terrible, jusqu’à quel point la solitude peut rendre grotesque. Pas méchant, il l’était déjà.

    Dernière publication sur Kreizarmor : Place Vendôme, haut lieu de l'indécence

    Répondre

  13. b.mode

    24 décembre, 2010 à 17:05

    Ce mortel ennui que chantait Gainsbourg… Pathétique et ridicule…

    Répondre

  14. clomani

    24 décembre, 2010 à 17:48

    Nan, pov’Cuicui…
    Il devrait s’occuper de sa dinde (de Nowel) … plutôt que de déposer sa crotte sur les blogs des autres.
    Pour aller au cabinet, vaut mieux être chez soi… c’est plus confortable que chez les autres ;o)).

    Répondre

  15. clomani

    24 décembre, 2010 à 18:00

    Moi, sa tronche, à l’autre Kabot, je l’ai vue deux fois de près : la première où j’ai vu toute la séquence en rouge… la seconde, 10 ans plus tard à peu près où il est venu me proposer la botte (on ne peut pas dire draguer parce que c’était vraiment « brut de décoffrage ») au café du coin entre Cognacq-Jay et Monttessuy (où étaient les autres services d’Antenne 2). Il ne se souvenait plus de moi. Prêt à tout même à m’envoyer son chauffeur (qui avait été celui de mon patron) pour venir chercher ma réponse écrite à sa proposition. Je lui ai répondu par écrit, en courrier internet, dans un pli pas du tout confidentiel. Il a dû être ouvert par sa secrétaire. J’y avait écrit : « Je vous remercie. Pendant 30 minutes, j’ai eu l’impression d’être un morceau de viande sur l’étalage d’un boucher. Ma réponse est négative ». Je buvais du petit lait en l’écrivant. Quelques années plus tard, comme (à Europe 1) il avait interviewé un photographe allemand qui sortait avec ma copine et qu’elle était en mission en Afrique, je lui ai fait un petit mot pour lui demander une copie sur cassette de l’interview du Konrad. Je l’ai eue, la cassette, avec un petit mot manuscrit où il disait qu’il se souvenait de moi et qu’il n’était pas étonné que je m’intéresse à cet homme de photo (c’était un bellâtre, pas du tout mon genre). Faut-y être con !
    Encore plus drôle, c’était mon ancienne collègue, Danièle, restée, elle, à Europe 1 qui avait ouvert mon courrier ;o).

    Répondre

  16. cui cui fit l'oiseau

    24 décembre, 2010 à 18:28

    @ Lediazec

    Je vais préparer un billet sur Goux. J’ai envie de me marrer. Depuis le temps que je ne me bagarre plus quotidiennement, comme autrefois au Village des NRV, je commençais à rouiller… -DDD

    Joyeux Noël les ami(e)s !

    @ B.mode

    Danièle Breem était non seulement Gaulliste mais la maîtresse officielle de Tomasini, un de mes compatriotes, le secrétaire général (?) de l’UNR. Quand on observe l’affaire Pulvar-Montebourg, on rigole doucement.

    @ Clo

    Encore bravo. Je pars dîner en famille. ;-)

    Répondre

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