Z’en faites pas, l’intitulé de ce billet ne s’apparente en aucun cas à un conseil que je pourrais donner à mes imminents collègues, tous sympatoches au demeurant, qui aiment à se déchirer sur la toile. Des gens biens sous tout rapport peuvent s’insulter par blogs interposés, ce sont leurs oignons pas les miens. Nan, le titre de cette bafouille fait référence à un film culte dont la bande annonce annonce d’emblée la couleur.
Ne nous fâchons pas , est le troisième volet d’une trilogie absurde et délirante concoctée par le fort sous-estimé Georges Lautner sur des dialogues du maître absolu en la matière, son altesse sérénissime Michel Audiard. Tapi dans l’ombre de ses prestigieux aînés, le mythique Les Tontons Flingueurs(1963) et le très maîtrisé Les Barbouzes (1964), le petit dernier, Ne nous fâchons pas (1965), n’en est pas pour autant un véritable joyau burlesque. Abracadabrantesque ajouterait même Chichi. Quoi de plus logique pourtant, le film commence dans une pharmacie avec une armoire à glace nommée… Lino Ventura.
Le pitch du film est assez simple. AlloCiné le résume ainsi : Antoine Beretto (Lino Ventura) est un malfrat qui a élu domicile sur la Côte d’Azur après s’être retiré des affaires. Deux amis viennent lui rendre visite et les ennuis commencent…
Le pitch n’a en fait que peu d’importance. L’essentiel est ailleurs. Magistralement mis en scène, le film part paradoxalement en vrille à chaque instant. Les personnages sont savoureux et interprétés par des acteurs au sommet de leur forme. Outre l’immense Lino, Jean Lefevbre est époustouflant dans le rôle de Léonard Michalon, un minable escroc horripilant. Il se voit ici s’offrir le meilleur rôle de sa carrière pour le moins inégale. Mireille Darc incarne son épouse et se montre comme à l’habitude sublissime. Michel Constantin se montre très crédible en restaurateur azuréen, meilleur ami de Lino.
Dans ce chef d’oeuvre loufoque, l’ennemi est clairement british. Incarné par un colonel et ses boys tout droit sortis de Carnaby Street. La gâchette et la dynamite faciles , ils exhibent des allures aussi pop qu’un Brian Jones ou qu’un Ray Davies.
Audiard, toujours au top niveau, livre ici quelques répliques d’anthologie :
- T’as de ces questions, on les appellent les british parce qu’ils sont british, C’est tout quoi! Ils sont une douzaine de mecs, on sait pas ce qu’ils maquillent ; ils ont loué une villa au cap d’Antibes. C’lui qu’à l’air du tolier est venu béqueter 2 3 fois. Ses petits boy-friends l’appellent « Colonel », genre homme du monde. Mais en fait de monde, j’crois plutôt qu’ils seraient du notre. Je veux dire l’ancien…
- L’ancien, l’ancien… Je viens de mettre un mec en l’air, maintenant nous v’là en croque-mort, tu permets, mais y’aurait comme de la relance sur la gelée de coings, non?… Et aussi, si tu m’avais pas refilé un flingue…
- Ben tu serais mort!
- Oui t’as raison. En cinq ans pas un mouvement d’humeur, pas une colère, même pas un mot plus haut que l’autre, pis d’un seul coup _CRACK_ la fausse note, la mouche dans le lait, han j’te dis que ça m’a secoué!
ou encore
- Beau jeune homme, il doit pas être loin de ses 75 kilos.
- J’l'ai pas pesé!
- Dans ces poids-là, j’peux vous l’embaumer façon Cléopatre, le Chef d’Oeuvre égyptien, inaltérable!
- Mais on vous demande pas de conserver, on vous demande de détruire!
- Haa! Heuuu… j’vous proposerais bien le puzzle « le congolais » : 32 morceaux plus la tête. Ou alors le cubilot de Vulcain : 10 tonnes de fontes, quinze-cents degrés, et vot’ petit jeune homme se retrouve en plaque d’égout ou en grille de square.
- Non, NON! Ni en poignée de porte, ni en lampadaire, c’que j’veux c’est plus le voir, là!
- Mon ami tient un commerce.
- Hah bon!
http://www.dailymotion.com/video/x18i5o
Bref, si vous ne le possédez pas déjà, procurez vous ce monument du rire par tous les moyens. En attendant, voici huit minutes d’extraits pour les plus accrocs.
babelouest
10 mars, 2010 à 8:20
Audiard, c’est un grand classique, le Molière des faubourgs façon années 50, le dialoguiste incontournable, incontourné. Lui passé, l’humour a disparu. Il y avait le ciné, avec des centaines de jeunes, de vieux pliés de rire dans une fraternité des zygomatiques. Il n’y a plus que des complexes de 12 salles, qui débitent à prix d’or des blockbusters garantis US du générique au chapeau d’Indiana, ou des comédies qui font à peine sourire.
Georges, Michel, Lino, Bernard, et tous les autres, revenez bon sang !
lediazec
10 mars, 2010 à 8:45
On ne s’en lasse pas ! Ah, Michalon ! « La mascotte des tortionnaires » ! Fallait la trouver celle-là, comme tant et tant d’autres.
Et oui, le rire évolue mais ne progresse pas.
Dernière publication sur Kreizarmor : Place Vendôme, haut lieu de l'indécence
b.mode
10 mars, 2010 à 8:51
Ce film est vraiment un remède à la morosité, je ne me lasse jamais de le visionner une xième fois !
laetSgo
10 mars, 2010 à 10:12
AH ben voilà ! je vais enfin regarder quelque chose d’intelligent à la télé ce soir
merci de réveiller ces souvenirs !
2pasag the papoteur
10 mars, 2010 à 11:28
à se demander ce que la femme de Mich_à_l’ombre (pardon michalon) a bien pu lui trouver pour l’épouser ^^
lediazec
10 mars, 2010 à 11:33
@papoteur. Un mystère insondable ?
Dernière publication sur Kreizarmor : Place Vendôme, haut lieu de l'indécence
clarky
10 mars, 2010 à 12:07
comme toi bernard, je l’ai vu des moulons de fois et ne m’en lasse pas
voir mireille darc me rend tout chose, de envies de me prendre le dard comme dirait frédo !!!
2pasag the papoteur
10 mars, 2010 à 12:17
@Lediazec c’est ce qui fait tout le charme d’un marche à l’ombre Zut marche à l’ombre est un autre film, quoique un Mich blanc en Michalon ça aurait été aussi une sacrée à Ventura la rencontre
b.mode
10 mars, 2010 à 12:43
@lolo Mireille Darc, fan absolu ! J’ai même vu en entier la grande sauterelle qui est un navet crasse.
Eric
10 mars, 2010 à 16:41
Du grand cinéma!
b.mode
10 mars, 2010 à 18:24
Oui Eric ! mais si souvent méprisé par certains pseudo-sachants…
2pasag the papoteur
10 mars, 2010 à 20:00
Au moins ici Eglantine ma Mireille ne sera pas méprisée
merci les amis ruminants
Léonard Michalon !!
b.mode
10 mars, 2010 à 20:04
@papoteur Merci à toi d’apporter à chaque fois ta note
lou
11 mars, 2010 à 19:49
Alors là ! je proteste ! publier un article de cette qualité avant moi ! mais je me revancherai !
Lautner est un grand, un inventeur.
Godard, Resnais, Malle et d’autres, également. Justement : également.
Lautner : Foutu fourbi
(il a fait lui-même son portrait puisque…)
Audiard : Un singe en hiver
Content de t’avoir trouvé chez Des pas
http://www.despasperdus.com/index.php?post/2010/03/10/l-isoloir-a-la-parole…
lou
11 mars, 2010 à 19:57
Le lien de base, je ne comprends pas pourquoi celui de l’article est en erreur
http://www.despasperdus.com/
b.mode
11 mars, 2010 à 20:07
@Lou Heureux de rencontrer sur la toile un vrai fan d’Audiard !
Nicolas007bis
12 mars, 2010 à 15:25
Même si je ne m’y attendais pas, suis très flatté de me retrouver en lien au milieu des Lautner, Audiard, Ventura et autres Lefebvre !
Un film jubilatoire évoqué avec ton brio habituel
Pour moi, la vraie trouvaille dans ce film, par rapport à ses 2 prédécesseurs, ce sont les anglais, le colonel et ses boys en tenue écolier british et la musique très sixties de Graeme Allwright !
Babelouest à raison il faut qu’ils reviennent !!! Mais en attendant ça fait du bien d’en reparler !!!…Merci de l’avoir fait !
b.mode
12 mars, 2010 à 15:43
@nicola007 film jubilatoire s’il en est même si j’avoue le dernier tiers traîne un peu la patte !