Je ne suis pas paysan et j’ignore s’il en existe un seul parmi les rédacteurs et lecteurs de Ruminances, au nom si bovin. Mais, citadin, je suis bien sûr et comme nous tous en contact avec le monde paysan. Au moins en tant que poète et photographe (ah le tournesol érotiquement ouvert, ah le petit piaf qui de son minuscule poids fait fléchir la tige de blé, pour pouvoir y piquer du grain !). Plus encore par quelque vécu à la campagne, dès l’enfance, avec tuerie du cochon et autres joyeusetés : les meilleures étaient, disons, bergères…
Je viens d’entendre (plus qu’écouter) une émission radio, dont José Bové était intervenant. A la réponse d’un auditeur, il rappelait (je ne sais plus les chiffres exacts) qu’une infime minorité de paysans du monde (du Texas à l’Ukraine en passant par la Beauce, etc.) pratiquait une agriculture ‘industrielle’ super-intensive (blé, maïs, soja, etc.), avec une étroite dépendance au pétrole (des engrais aux machines) et aux bourses : bref des hommes d’affaire. A l’autre bout, l’énorme majorité des (vrais) paysans travaillent depuis des dizaines de siècles le sol avec des outils à main (houx, etc.) ou, pour les plus ‘chics’, avec traction animale de charrues (etc.) par ânes, bœufs, chevaux, chameaux… et – dans le pire des cas – esclaves.
Le débat était censé être centré sur nos petits sous de consommateurs, entre producteurs et distributeurs : lait, viande, céréales, légumes… on en veut au moindre coût et à la meilleure qualité, nous les citadins, bien sûr. Et on veut bien – on est gentils ! – que les (vrais) paysans soient heureux de bien vivre de leurs efforts (notamment vers l’agriculture bio) alors que les gros industriels et distributeurs, ces vilains, raflent la mise, en bons capitalistes qu’ils sont…
Ce n’était donc qu’une énième émission sur ce thème récurrent. Mais il y eut l’échappée de José Bové, vers ‘le vrai monde’. En très gros (j’ai pas noté), sur 6 milliards d’humains, moins de la moitié sont campagnards (paysans et artisans) pour nourrir plus que l’autre moitié, citadine. Ce qui était impensable il y a à peine 50 ans…
La misère paysanne entraîne l’exode rural de pire en pire. Cela fait et fera que les grandes cités deviennent monstrueuses (Mexico, Le Caire, Shanghai, etc.) et que les villes hier typiques de leur région deviennent de grandes villes, fières de s’entourer de super-marchés et attentives à cacher la misère sociale. Pour le chaland, le client, le touriste, le friqué : une image de marque ‘concurrentielle’ avec la voisine, qui lui ressemble désormais …
Si l’on ajoute à cette misère paysanne celle du chômage de plus en plus massif des ouvriers, on n’est pas sorti de l’auberge. L’exode massif des paysans chinois devenant les ouvriers intérimaires de l’usine n°1 du monde, c’est la caricature suprême du capitalisme (bravo le Parti Communiste de ce pays !). Le rappel à l’ordre (car c’est un désordre monstrueux que cet ‘ordre’ des cours de la bourse) ne peut venir que de nous, miséreux des villes et des campagnes, consommateurs écolos et citoyens… et cela s’appelle l’ordre de l’anarchie, où l’on s’organise localement, entre égaux, à produire et consommer, bavarder, chanter, rire, s’aimer : la vie est belle ! Vous préférez la guerre ? : Cela n’a pratiquement pas arrêté depuis 1914, et le Capitalisme, pour ‘survivre à sa crise’, continue à la faire : sur les champs de bataille ou dans la société civile. Misère, misère… on en crève tous… Presqu’un siècle que cela empire…
Oh, je sais, je schématise : la belle vie future, d’après le capitalisme, ce ne sera pas facile à inventer. Il n’y a pas de baguette magique, ni de dogme quelconque.
Mais l’intelligence humaine, sa poésie. Peut-être supérieure un jour, quelque part, à ce redoutable instinct de lucre, d’égoïsme, de cruauté. La Liberté POUR l’Égalité PAR la Fraternité, dit une célèbre devise…à appliquer !
cpolitic
19 août, 2010 à 13:36
Petit ajout: selon les études de la FAO, le simple fait d’appliquer les principes BIO, suffirait à faire vivre l’Humanité entière.
Mais forcément, il faut que la minorité d’hommes d’affaires s’arroge le droit de tout saccager.
Cdt,
Cpolitic
Ju
19 août, 2010 à 14:43
ça fait un momment qu’il n’a pas voyagé, le champion ! au Laos, tout n’est plus que « jatrophase » et « hévéa » et plante qui servent à faire du biodisel… au point que des paysans du nord envoient femme et enfant faire la manche à la capitale parce qu’il n’y a plus rien à manger alors qu’avant ils avaient du riz pour tenir toute l’année. On réduit la culture des besoins premiers pour se lancer dans l’industrie.
tu veux mon avis ? Non, jer te le donne quand même. Bientot; on va se reveiller et s’aperçevoir que seuls ceux qui ont un bout de terre pour faire quelques fruits, quelques légumes, des poules, du blé, qui s’en sortiront. déjà pour bouffer et, qui sait, pourront revendre aux citadins qui, pour se nourrir, devront tout payer au prix fort.
Tu parlkes de l’ordre de l’anarchie. Il y a deja des village en Lozère ou sur l’Aubrac, qui existent sur le mode coopératif où l’un fait le pain pour les autres, un autre s’occupe de cuisiner, un autre fait les travaux, etc… et tout tourne sans argent. le bonheur !
je te donne raison pour le cote monstrueux des grades villes… où les gens ne peuvent plus se nourrir. Au Caire, je connais plein de gens qui ont 2, 3, 4 emplois en même temps tellement c’est peu payé, pour pouvoir survivre, même pas vivre.
lapecnaude
19 août, 2010 à 14:49
A-t-on une idée des surfaces cultivables détruites par l’agriculture intensive ? Comment va-t-on pallier les méfaits des insecticides qui ont éradiqué des espèces nuisibles à certaines cultures et détruit un tas d’autres utiles en même temps ?
Nous allons vers une pénurie de céréales, ce qui va entraîner un gros problème dans l’élevage des animaux nourriciers de l’homme, comment résoudre çà ?
Espérer en l’intelligence des hommes est utopique, l’attrait du gain sera toujours le plus fort, commencer par réformer (je n’aime plus ce mot) le monde de la finance … comment ?
Commencer par notre propre pays peut être une solution, mais là il faudrait une vraie révolution populaire.
clarky
19 août, 2010 à 14:51
vastes perspectives…
le tous égaux dans l’absolu ça peut le faire, mais la réalité d’un groupe, tout animal qu’il soit, c’est que t’auras toujours un petit chef pour en émerger et faire prévaloir une sorte de diktat à 2 balles !
et l’anarchie comme modèle de vivre ensemble ça le fait pas des masses, surtout de ce que j’en ai vu, parce qu’entendre des mecs, en quasi transe, dégueuler leur religion est tout aussi bandant qu’un économiste devisant sur la loi du marché.
maintenant, faut pas confondre agriculture, sous entendre intensive, et paysannerie.
quant à la panacée que serait la production bio, faut voir qu’en france ça représente peanuts.
les appros se font en italie d’après mes sources bien informées biscotte là-bas la filière est tout bonnement plus réactive et permet de dégager des volumes nettement supérieurs à ceux d’une filière française à peine émergente si je puis dire.
et faut pas non plus se faire plus con que le roi, produire bio c’est avant tout un moyen de faire du fric, c’est ni plus ni moins une façon de substituer une production, devenue non rentable, par une qui est en passe de le devenir fortement.
mais côté consommateur, quand tu vois qui achète bio, ça me fait doucement ricaner. quand t’as tout juste de quoi tenir un budget pour le mois, je pense pas que le bio soit l’une de tes priorités, surtout quand tu traines dans les rayons des hard discounters !
c’est bien beau de vouloir le meilleur pour tous mais malheureusement les premiers entubés seront toujours les mêmes, alors si y’a bien un truc à modifier, ce serait que chacun vive dignement de son putain de travail, qu’on arrête de voir que la chine est désormais la deuxième puissance éco du monde, parce que si c’est pour s’aligner sur le modèle social à la chinoise, ben autant aller bouffer les pissenlits par la racine illico presto.
rémi, j’ai bien aimé ton billet biscotte y’a matière à palabrer, mais putain, crois moi, la poésie ne nourrit pas un homme, ou alors pas de ceusses que je connais qui sont, eux, tout sauf des poètes
clomani
19 août, 2010 à 15:05
Quand on entend parler de l’attitude des spéculateurs vis à vis des cours du blé… Depuis que les Russes ont vu toutes leurs récoltes partir en fumée, voilà que les boursicoteurs, ces super citadins qui vivent enfermés dans des bureaux climatisés, l’oeil rivé à leurs ordinateurs, ont décidé d’affamer la planète en jouant avec les cours.
Là aussi, le semeur de blé occidental a fait des émules en allant planter du blé à la place du mil, du sorgho, de maïs et d’autres céréales, les rendant ainsi dépendants des fours industriels fabriqués en Occident.
Ajoutons à ça les biocarburants, dont parle Ju, qui contribuent allègrement à la déforestation, chassant les petits paysans ou les peuples encore cueilleurs/chasseurs du côté des bidonvilles qui entourent les mégalopoles du tiers-monde.
Plus les plantations de palmiers pour l’huile de palme, qu’on trouve partout dans les simili-beurres, y compris dans les produits bio. Là aussi, déforestation, pour planter des palmiers, au rendement plus efficace que les autres arbres des forêts denses ou tropicales… désertification, inondations, disparition des grands singes, et appauvrissement des populations.
Toujours dans le tiers-monde, les Chinois ont remplacé les anciens colons et inondent l’Afrique par exemple, de leurs produits de merde. Afrique où ils sont mieux accueillis parce que nettement moins arrogants que leurs prédecesseurs ! Les Chinois font des routes, désenclavent des bleds, mais voilà qui contribue encore à la déforestation, et à l’exode paysan vers les villes.
Les petits paysans ? Ce serait à eux de se soulever les premiers, parce que tout a été fait pour les appauvrir et pour qu’ils disparaissent. Au Mexique, ils se sont fait chasser par des paramilitaires pour permettre aux élevages bovins d’avoir plus de surface pour paître, élevages bovins destinés à alimenter non pas les Mexicains, mais les Américains… C’est comme ça qu’est née la lutte des Zapatistes. Ils en avaient marre de se faire piétiner, chasser ou tuer par les gros « finqueros » ! Alors ils se sont unis, ont mis des masques et des passe-montagne, et sont allés s’entraîner dans la forêt Lacandone. Après ça, ils sont apparus légèrement armés, et ont repris en groupe, estimant qu’ils étaient dans leur droit, quelques énormes « fincas » acquises à vil prix et en tuant par leurs propriétaires. Redistribution des terres, comme l’avait préconisé Zapata. Voilà pourquoi ils continuent de lutter, au Mexique.
On a tous besoin des paysans et nos universités et écoles ne forment que des intellectuels. Si j’étais ministre de l’Education Nationale, je ferais en sorte que chaque école ait son lopin de terre à jardiner, ses animaux à élever, et je privilégierais le retour à la terre. On construit des petites villes à la campagne, et on organise la vie autour de ce pôle là avant tout.
Mais bon, ce sont les financiers qui dirigent, et pour ces gens-là, la terre, c’est sale ! Et ça rapporte peu. Quand Poilâne n’aura plus de blé, peut-être qu’alors ils se bougeront un petit doigt…
Oops ! Une erreur est survenue.
L'accès au blog est momentanément impossible,
veuillez nous excuser et ré-essayer dans quelques instants.
Retour ou Écrivez-nous si le problème persiste.